
Le juge béninois Essowe Batamoussi, juge à la Cour de répression des infractions économiques et du terrorisme (CRIET) a démissionné ce 4 avril 2021. Juste après l’annonce de sa démission, il s’envole pour la France. Mais des avis divergent sur la finalité d’un tel acte.
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Je ne suis pas libre en tant que juge. Le pouvoir donne des instructions fermes surtout pour le dossier Reckya Madougou. La CRIET n’est pas aussi indépendante. Telles sont, entre autres, les récriminations du juge démissionnaire contre le pouvoir de Patrice Talon. Sur la radio France internationale ce lundi 5 avril, Essowe Batamoussi dit ne plus être en mesure de continuer dans une telle ambiance de travail alors que son serment lui recommande toute indépendance, ce que le pouvoir Talon semble ne pas reconnaître.
Membre de la chambre de la liberté et de la détention de la Criet, Essowé Batamoussi, cumule ses fonctions avec celles de juge au tribunal de première instance de première classe d’Abomey-Calavi. Cette nomination fait suite à la prise du décret N°2019-067 du 27 février 2019 portant nomination au ministère de la Justice et de la législation.
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[penci_blockquote style= »style-2″ align= »none » author= »Essowé Batamoussi, juge démissionnaire de la CRIET. » font_weight= »bold » font_style= »italic »]Le juge que je suis n’est pas indépendant tel que cela devrait être. Toutes les décisions que nous avons été amenées à prendre l’ont été sous pression. je citerai la dernière celle qui a vu le placement de Dame Reckya Madougou en détention.[/penci_blockquote]
Sa démission et son intervention sur une chaîne étrangère font grand bruit sur la toile et dans l’opinion publique. Alors que les commentaires des internautes vont dans tous les sens, le gouvernement préfère garder, pour l’instant le silence.
Une manipulation politique ?
La démission du juge Essowé Batamoussi intervient à un moment politiquement agité. Ceci, à cause non seulement de la campagne électorale pour la présidentielle du 11 avril 2021, mais également à cause de la date du 6 avril. Cette date est considérée, selon les exigences des opposants résistants à la gouvernance Talon, comme la fin du quinquennat Talon qui a prêté serment pour cinq (5) ans.
Dans ses déclarations sur Rfi, le juge démissionnaire évoque, comme motif principal de sa démission, le dossier de l’opposante Reckya Madougou, mise aux arrêts pour association de malfaiteurs et terrorisme. Ce dossier, depuis son arrestation en mars dernier, ne cesse d’alimenter les débats au sein de l’opinion publique.
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Pour certains, cette démission du juge n’est que le fruit d’une manipulation politique afin de tenter de déstabiliser le régime Talon et de saboter le processus électoral en cours dans le pays.
[penci_blockquote style= »style-2″ align= »none » author= »Bérenger Fanou, observateur politique » font_weight= »bold » font_style= »italic »]Il démissionne et il fuit du pays pour faire directement une déclaration sur une chaine étrangère. C’est un peu suspect pour ma part. S’il ne se reproche absolument rien, il doit rester dans son pays pour faire des dénonciations et réclamer si possible un débat contradictoire aux fins de prouver au peuple béninois que la justice est sous ordre.[/penci_blockquote]
Mais du côté de ceux qui avaient toujours dénoncé une dépendance de cette cour, l’acte est salutaire et mérite encouragement afin que les autres suivent les traces de ce juge « courageux ». Pour eux, c’est un acte volontaire qui n’est nullement intéressé comme tentent de faire croire les laudateurs du pouvoir.
[penci_blockquote style= »style-2″ align= »none » author= »Désiré Djotin, analyste politique. » font_weight= »bold » font_style= »italic »]Qu’il vous souvienne que le Juge Angelo Houssou a démissionné et est parti dans les mêmes conditions. Ne demandez pas à un magistrat de tenir tête à son employeur qui est l’État détenteur de toute la force publique. Il n’y jamais de fumée sans feu.[/penci_blockquote]
La réaction du Conseil supérieur de la magistrature attendue
La démission du juge Essowé Batamoussi n’est pas un fait unique dans le pays et dans le secteur de la justice. Même si la pratique est rare, des juges, par le passé, avaient démissionné de leur poste pour diverses raisons.
Et face au tollé que suscite cette démission en cette période électorale très sensible, la réaction du Conseil supérieur de la magistrature (CSM) est vivement attendue. Il y a quelques mois, des magistrats avaient dénoncé la réforme apportée au secteur de la justice. Pour eux, cette réforme a permis la présence des allogènes au sein du CSM, ce qui ne garantissait pas l’indépendance de ce corps de métier dans le pays.
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Curieusement, le 04 janvier 2018, en légiférant à reculons, l’Assemblée nationale a modifié la loi organique n°94-027 du 15 juin 1999 portant composition, attributions à l’effet de consacrer l’envahissement dudit conseil par des hommes politiques ou leurs représentants. Désormais, prostré, politisé et habité constamment par le risque de règlements de comptes, le juge ne pourra plus véritablement exercer son ministère à l’égard des politiques en général et du chef de l’Etat en particulier », Avait dénoncé Michel Adjaka, alors président de l’Union nationale des magistrats du Bénin (UNAMAB), aujourd’hui directeur de cabinet au ministère de la justice.
Face donc à ce tollé, le CSM pourrait éclairer l’opinion publique à travers une sortie officielle.