
Contrôler sa fécondité, c’est-à-dire limiter ou espacer les naissances pour mieux gérer sa santé, sa vie familiale et ses conditions de vie afin de limiter les risques de mortalité maternelle liée aux grossesses rapprochées ou non désirées. Telles sont les raisons fondamentales qui poussent les femmes à adopter une méthode contraceptive de leur choix. Mais derrière ce choix, des effets parfois désastreux.
Cécile a 34 ans et est mère de deux enfants. Ménagère habitant à PK 11 dans la commune de Sèmè-Podji – commune située entre Cotonou et Porto-Novo, la capitale du Bénin – nous l’avons rencontré ce matin du 19 août 2025 devant son étagère de marchandises de divers. Dans sa robe en satin bleu et rouge, tresse soigneusement arrangée et attachée en queue de cheval, Cécile nous reçoit avec un sourire et une poignée de main si chaleureuse. A peine les civilités terminées qu’elle soupire profondément en prononçant : « je souris, mais je souffre et je suis à bout, monsieur ».
Deux semaines plus tôt, Cécile nous avait contacté pour nous faire part de son calvaire suite à son choix d’adopter une méthode contraceptive. Touchée au téléphone par son histoire, l’équipe a décidé de la rencontrer afin qu’elle raconte son histoire qui pourrait être un cas d’école. Les faits remontent en décembre 2024, entame Cécile, où elle a décidé de faire une injection contraceptive (celle faite tous les 3 mois).
« Deux semaines après cette injection, j’ai eu des saignements alors que j’ai eu mes m3nstrues deux semaines plutôt. Du retour au centre de santé, l’agent de santé m’a rassuré qu’il s’agit d’un effet normal et que ce saignement devrait s’arrêter deux ou trois jours plus tard. Mais depuis décembre 2024 à ce jour 19 août 2025, les saignements n’ont jamais cessé. Je suis en couche tout temps, je n’en peux plus ». Cécile confie être dans un état de gêne depuis ce temps et s’est éloignée, involontairement, de son mari depuis décembre. Son mari, un jeune homme de 35 ans se dit aussi dépassé par la situation alors qu’il pensait que les effets de cette injection devrait se terminer trois mois, au plus grand tard.
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Cécile a consulté d’autres centres de santé, a suivi les prescriptions médicales des agents, a été suivie par un gynécologue, mais son mal n’a pas connu une satisfaction. Avant la publication de ce témoignage, Cécile qu’on suivait depuis ce temps, nous a confié qu’elle a finalement fait recours aux méthodes traditionnelles et le saignement n’est plus en permanence, mais peut apparaître une ou deux fois par semaine,en petite quantité.
Suite à cette histoire de Cécile, nous avions lancé un appel à témoin pour des histoires pareilles. Des témoignages reçus relatent des histoires certes différentes, mais toutes liées à l’adoption d’une méthode contraceptive. Rebecca, par exemple, est une jeune fille célibataire de 26 ans et est auxiliaire de pharmacie. Fiancée, elle dit qu’elle voudra rejoindre son futur mari sans une contrainte de grossesse. S’approchant du « fruit défendu », elle a décidé d’opter pour l’implant sous-cutané. Cette méthode (l’implant sous-cutané) est une petite tige flexible, d’environ 4 cm de long et 2 mm de diamètre, qui est insérée juste sous la peau, généralement dans le bras et qui libère en continu une hormone progestative (soit l’étonogestrel soit le lévonorgestrel) qui empêche l’ovulation, modifie la glaire cervicale rendant difficile la pénétration des spermatozoïdes, et amincit l’endomètre pour empêcher la fixation de l’ovule. Selon les études, cette méthode est à 99 pour cent sûre.
L’histoire de Rebecca est liée à sa prise de poids, l’irrégularité de ses m3nstrues et l’anémie constante. Quand Rebecca se faisait cet implant, elle n’avait que 24 ans, était une jeune fille bien svelte et sans problème anémique. Deux ans plus tard, elle a pris plus de 20 kg devenant ainsi une fille grosse, a constaté l’irrégularité de ses m3nstrues (deux fois par mois) et surtout l’anémie constante.
« Au début, je me disais que c’était l’aisance et que le fait d’avoir un travail stable et de subvenir à mes besoins les plus élémentaires étaient les raisons de ma prise de poids. Et pour l’anémie, je l’avais lié au fait d’avoir plus d’une fois mes m3nstrues par mois », nous a confié Rebecca. Toutefois, elle reconnaît que l’agent de santé de l’Association Béninoise pour la Promotion de la Famille (ABPF) qui l’avait reçu en son temps lui avait clairement signifié qu’il pourrait y avoir des perturbations menstruelles et aussi une prise légère de poids, selon la réaction de son organisme. Mais aujourd’hui, se plaint Rebecca, le poids devient de plus en plus gênant et le budget pour s’occuper de l’anémie devient également de plus en plus colossal. Le 2 Septembre 2025 au moment où elle nous donnait son témoignage, elle dit avoir enlevé l’implant, s’est mise au sport au quotidien et ne souffre plus de l’anémie ni du vertige permanent dans lequel elle était souvent plongée.
L’effet d’abandon
Tout comme Cécile et Rebecca qui ont fini par abandonner ces méthodes, des études révèlent que 38% des femmes ayant un besoin non satisfait de contraception moderne ont choisi de l’abandonner. Ce phénomène, appelé abandon de la contraception, est défini comme le fait de commencer à utiliser un contraceptif puis de l’arrêter pour quelque raison que ce soit alors que l’on est toujours exposé au risque d’une grossesse non désirée. Il est de notoriété de tous que l’arrêt du traitement pour des raisons autres que le désir de grossesse contribue à une fécondité non désirée et peut conduire à des grossesses susceptibles d’être interrompues par un avortement pratiqué dans des conditions douteuses et parfois très dangereuses.
En moyenne, parmi les femmes optant pour une méthode contraceptive moderne, plus d’un tiers interrompent son utilisation au cours de la première année, et plus de la moitié avant deux ans. Parmi ces interruptions, plus de la moitié résultent d’un échec de la contraception ou de complications inhérentes à la méthode choisie, soulignant ainsi le besoin persistant d’une contraception efficace afin de prévenir les grossesses non désirées. Suivant les études, en plus des cas évoqués supra, chez 10 % des femmes, les contraceptifs hormonaux peuvent augmenter le risque de dépression. Les cycles hormonaux sont strictement contrôlés par les hormones elles-mêmes. Lorsque les niveaux de progestérone augmentent, des processus sont activés dans les cellules qui empêchent la production de progestérone supplémentaire. C’est ce qu’on appelle une boucle de rétroaction négative. L’œstrogène et la progestérone contenus dans la pilule quotidienne, ou d’autres formes courantes de contraception telles que les implants ou les anneaux vaginaux, entraînent une diminution de la production de ces hormones par l’organisme, les ramenant à des niveaux observés en dehors de la fenêtre fertile du cycle.
A chaque méthode ses conséquences
Dans ses recherches lors de sa soutenance de thèse de doctorat, Nangazanga Dao, a relevé la problématique liée aux effets secondaires de la contraception injectable au centre de santé de référence de la commune V du district de Bamako, Mali. Pour le doctorant, 54,06 pour cent de femmes interrogées souffrent de la métrorragie. La métrorragie est un saignement vaginal d’origine utérine qui survient en dehors des règles normales ou en l’absence de règles. Le cas de Cécile, par exemple. Le doctorant expose également que 39,40 pour cent des personnes interviewées souffrent de l’aménorrhée. L’aménorrhée désigne l’absence de menstruations (règles) chez une femme en âge de procréer. 4,24 pour cent des femmes avec la contraception ont pris du poids (le cas de Rebecca) et 2,30 pour cent ont eu des céphalées.
Au Bénin, grâce à la sensibilisation accrue, le nombre de patientes adoptant une méthode contraceptive s’accroît selon Geneviève Agoumba, responsable de ABPF Ouémé, désormais à la retraite. Tout en saluant les prouesses de ces méthodes, elle recommande la poursuite inlassable de la sensibilisation afin d’éviter la fécondité incontrôlée et les risques de mortalité maternelle pour cause de grossesses trop rapprochées.
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Interrogé sur les cas des dames Cécile et Rebecca, le médecin gynécologue obstétricien, Oluwolé Adjagbé souligne que les implants normalement ne donnent pas un saignement continu . « Au contraire, les implants arrêtent les menstrues et lorsque ces dernières doivent venir sous l’implant, elles sont abondantes pendant plusieurs jours, mais ne font pas des mois comme c’est le cas avec Cécile », clarifie le gynécologue. Pour lui, des analyses gynécologiques plus approfondies pourront aider à déterminer les causes exactes de ce phénomène chez cette patiente (Cécile, NDLR).
Et que dirent des femmes qui se plaignent des infections vaginales une fois l’implant adopté ? A-t-on demandé au médecin Adjagbé. Et sa réponse est sans équivoque, « pas d’infections proprement liées aux moyens contraceptifs. Toutefois, le problème peut se poser au moment de la pose de l’implant du DIU si les mesures d’asepsie ne sont pas respectées ». Les mesures d’asepsie sont un ensemble de pratiques et de techniques visant à empêcher l’introduction et la propagation de micro-organismes (comme les bactéries, virus, et champignons) dans l’organisme.
Et si on en parlait…
L’éducation sexuelle demeure peu recommandée en Afrique surtout en Afrique de l’ouest compte tenu de certains tabous et normes traditionnelles et ancestrales. De ce fait, l’éducation pour l’adoption d’une méthode contraceptive demeure problématique et quasi inexistante. Cécile dit avoir pris la décision en se basant uniquement sur les dires d’autres femmes et de l’opinion publique. Et c’est le cas pour beaucoup d’autres femmes que nous avons contactées.
Permettre aux femmes de discuter des effets secondaires potentiels puisque lorsque les femmes ont la possibilité de discuter des effets secondaires avec leurs prestataires et les membres de leur réseau social, la poursuite du traitement peut augmenter et le changement peut être facilité par une meilleure compréhension de la nature des effets secondaires. Et pour y arriver, il faut aussi impliquer les partenaires masculins. L’amélioration de la communication au sein du couple sur les caractéristiques des méthodes peut s’avérer efficace pour soutenir l’utilisation continue, en particulier dans la période post-partum.
Au Bénin par exemple, seuls les agents assermentés et travaillant à l’Association Béninoise pour la Promotion de la Famille (ABPF), s’évertuent à expliquer convenablement les différentes méthodes et à accompagner les femmes désireuses dans leur choix. « L’ABPF sensibilise, informe, oriente et accompagne. Nous y mettons un point d’honneur », nous confie Solange, agent de l’ABPF. Ce qui n’est souvent pas le cas dans des centres de santé ou centres hospitaliers où l’agent de santé se contente d’appliquer la méthode souhaitée par la cliente sans autres formes de sensibilisation ou d’orientation. C’est ce que dénonce Cécile qui dit n’avoir pas eu assez d’information sur les différentes méthodes avant d’opter pour la méthode injectable.
Le choix d’une méthode contraceptive est certes personnel, mais doit prendre en compte des facteurs tels que l’état de santé, l’âge, et les préférences individuelles, et nécessite l’avis d’un professionnel de santé ou celui d’un agent assermenté.
Cet article a été initialement publié ici, sur 24h au Bénin
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