
Le fameux mot « béninoiserie » inventé par les Béninois pour insulter tous ceux qui portent notre nationalité a décidément le vent en poupe aujourd’hui. Le citoyen de la rue l’utilise. Certaines autorités aussi. Et même les étrangers font déjà usage de ce mot pour insulter les Béninois.
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Mais comment en est-on arrivé là ? Hors de moi toute intention de polémiquer, de rechercher l’auteur ou les auteurs de ce mot « béninoiserie », car je ne sais pas en quoi cela nous avancerait. Il s’agit plutôt de réfléchir ensemble aujourd’hui, en tant que frères et sœurs béninois pour constater les dégâts occasionnés par ce mot, et la menace permanente qu’il constitue pour la nationalité béninoise.
Les symptômes du suicide collectif
Les peuples du monde luttent pour donner la meilleure image de leur communauté ou de leur nationalité. À grands frais, et avec tapage, ils exportent leur culture. Ils se battent pour avoir des résultats sportifs à grand retentissement mondial. Ils nous imposent leur langue et leur mode de vie tout en déversant leur histoire et leurs histoires sur les autoroutes de l’information. Ils montrent l’excellence de leurs scientifiques, etc.…
Et moi, Béninois, brave fils de Béhanzin, de Bio GUERA et de KABA, qu’est-ce que je fais pendant ce temps ? Eh bien moi Béninois, j’ai eu l’idée géniale de prendre le nom de ma nationalité pour en créer le mot « béninoiserie » qui signifie toutes les horreurs du caractère humain : méchanceté gratuite, jalousie, tendance à la trahison, esprit tordu, esprit de nivellement par le bas, champion de gris-gris, etc.
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Oh, certes, toutes ces choses existent bel et bien dans notre pays. Il ne faut pas le nier. Mais est-ce vraiment chez nous seuls que ces mauvais caractères existent, ou plutôt partout où l’être humain se trouve sur la planète ? Votre serviteur que je suis a voyagé dans le monde. J’ai côtoyé des personnes venues des quatre coins du globe, et je peux vous dire avec certitude que les Béninois ne sont pas les champions mondiaux de méchanceté et de mesquinerie, loin s’en faut. J’en ai vues des vertes et des pas mûres avec d’autres peuples. Ce n’est donc pas le nom de notre nationalité qui doit servir de racine à toutes les horreurs du caractère humain.
Dans la vie, lorsque l’on se fait prendre au piège des autres, c’est quelque part bon, car on est la victime et on peut se plaindre. Mais quand on est pris à son propre piège, à qui faut-il se plaindre ? Or c’est cela qui est en train d’arriver à mes compatriotes qui seront un jour surpris de lire dans une revue francophone ou même dans un dictionnaire français, le fameux mot « béninoiserie » devant lequel il sera écrit ce qui suit : « Béninoiserie : nom féminin. Méchanceté gratuite, mesquinerie, esprit tordu propre aux Béninois »
Chers compatriotes, est-ce vraiment cet héritage que nous allons laisser à nos enfants dans le livre des bravoures du monde francophone ? Est-ce la méchanceté notre bravoure et notre spécialité ? Et ce mot s’applique à tous les Béninois, à savoir ceux qui sont déjà morts, ceux qui vivent, ceux qui ne sont pas encore nés et qui naîtront.
Déjà dans le dictionnaire français, le mot turquerie qui vient du mot Turquie existe et désigne principalement les œuvres artistiques qu’exportaient les Turques. La maroquinerie qui vient du mot Maroc désigne les travaux en cuir exportés par les maroquins. La japonaiserie qui vient du mot Japon, ce sont les objets d’art et autres curiosités qu’exportaient les japonais. Et la « béninoiserie » ? Est-ce la méchanceté qu’exportent les Béninois ? Où est-ce que ce produit se cultive dans notre pays ? Dans quelle usine le fabrique-t-on ? Cela n’existe pas chers frères et sœurs, et nous devons arrêter de jouer avec le feu qui va nous brûler et nous consumer pitoyablement dans la soudaineté et la surprise générale.
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Le seul mot que j’ai trouvé, ayant pour racine un nom de nationalité et qui soit péjoratif, c’est le mot chinoiseries dérivé du nom Chine. Ce mot mis au pluriel signifie « exigences inutiles et compliquées ». Mais contrairement à nous autres, ce mot n’est pas créé par les Chinois eux-mêmes pour dénigrer leur propre image. C’est un mot français, uniquement français. Le mot chinoiseries n’existe pas dans le dictionnaire chinois. Je suis allé personnellement le vérifier au Centre Culturel Chinois à Cotonou.
Renverser la tendance
Je ne suis pas un fou du chauvinisme. À mon âge de bon pépé, je ne suis plus extrémiste en rien. Je m’efforce désormais d’être toujours réaliste et modéré. Mais je me pose en toute honnêteté certaines questions. Au lieu de nous auto flageller et de traîner le nom de notre nationalité dans la gadoue, ne pouvons-nous pas plutôt vanter notre nature verte, notre mer bleue et salée que d’autres nous envient, la beauté naturelle de nos femmes, notre hospitalité, les mérites de nos intellectuels, de nos artistes et de nos ancêtres, et surtout, cette capacité singulière que nous avons de nous tirer toujours des situations politiques les plus compliquées sans effusion de sang ? N’est-ce pas plutôt ça qu’il faut vanter ?
Le vieux fonctionnaire que je suis, a servi partout dans ce pays pendant trente ans avant de faire valoir mon droit à la retraite depuis déjà plusieurs années. Mais je n’ai jamais perçu nulle part, ni au nord, ni au sud, le grand débordement de méchanceté à fleur de peau que l’on attribue à nos paisibles populations. Maltraitez un enfant tout de suite et toute la population se soulèvera contre vous. Volez une moto et tous ceux qui ont une moto vous poursuivront. Dans d’autres civilisations, c’est l’individualisme le plus caricatural. Chacun ne s’occupe que de lui-même. Vous êtes attaqué, ou même vous crevez sous ses yeux, il s’en fout. Il passe simplement.
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Malheureusement chez nous, les quelques exemples négatifs (que je reconnais réels et terribles) font tellement de bruit qu’on en oublie les nombreux gestes de solidarité et d’amour du prochain que posent au quotidien la majorité des Béninois anonymes.
Moi-même qui vous parle, le dernier cas de méchanceté dont j’ai été victime est celui d’un jeune homme inconnu que j’ai récupéré en 2013 et aimé comme mon enfant. Je lui ai tout donné : formation, emploi, etc. Cela ne l’a pas empêché de me voler une grosse somme d’argent et de s’enfuir dans des conditions qui vous révolteraient si je vous en racontais les détails. Mais ce n’est pas pour cela que je dirais que tous les Béninois son méchants comme lui ! Apprenons toujours à séparer le bon grain de l’ivraie. Ayons la force de ne jamais nous laisser aller à des généralisations myopes, paresseuses ou carrément unijambistes.
Chaque Béninois et chaque Béninoise devrait donc avoir le courage de lutter pacifiquement mais avec détermination contre l’usage de ce mot « béninoiserie » qui ne nous apporte rien mais nous détruit plutôt à petit feu et pourrait nous conduire à l’irréparable, c’est-à-dire au dictionnaire.
Que Dieu nous en préserve.