Principe de non-affectation des ressources et détournement de fonds publics: Revisiter les théories classiques de gestion en vigueur

Il s’agit d’une règle budgétaire fondamentale qui stipule que les recettes publiques, quelle que soit leur origine, ne peuvent être réservées au financement de dépenses spécifiques.

Souveraineté politique sans autonomie de jugement n’est que leurre à bien d’égards. L’on ne peut s’approprier effectivement son indépendance politique lorsque l’on continue de fonctionner systématiquement et sans plus se poser  de questions avec les idées qui ont réfréné votre émancipation  jusqu’à lors. L’on comprend d’autant que le présent régime de rupture ait fait  des réformes sa préoccupation dominante.

Chers visiteurs, vous lisez cet article gratuitement. Soutenez l’équipe en faisant un don. Cliquez sur ce lien pour procéder au paiement. Choisissez votre montant et validez votre don sur votre téléphone.

Le dynamisme d’un pays est à la mesure du rythme de son développement. Et son développement est fonction de sa capacité à réformer les structures, mais aussi à réévaluer les principes qui fondent sa gestion et à les adapter au fil du temps en tenant compte des réalités sociologiques  et des objectifs visant le bien-être social des citoyens. Dans la présente réflexion, nous nous essayons de revisiter un principe qui réglemente la gestion budgétaire de notre pays et partant, notre économie.

Le principe de non affectation des ressources

Ce principe est le dada des agents du ministère des Finances qui y tiennent comme la prunelle de leurs yeux. Lui faire entorse quel qu’en soit la motivation évoquée,  relève de la gageure tant il est profondément ancré dans leurs esprits et qu’il fait la règle en matière de gestion budgétaire et financière. Mais de quoi s’agit-il exactement ?

A (re) lire : Tribune : Nécessité de rééquilibrer la balance entre la musique étrangère et celle du Bénin

Il s’agit d’une règle budgétaire fondamentale qui stipule que les recettes publiques, quelle que soit leur origine, ne peuvent être réservées au financement de  dépenses  spécifiques. Toutes les recettes de l’Etat doivent être regroupées dans un seul budget et toutes les dépenses de l’Etat doivent être financées sur le même budget.  

Ce principe que l’on dénomme également principe d’universalité budgétaire interdit donc de lier une recette particulière à une dépense particulière. À titre d’illustration, l’on ne  peut concevoir que les recettes générées par les activités de notre port marchand soient réservées au paiement des salaires du personnel du dudit port. Au total, il n’est  pas possible de constituer une recette particulière pour payer une dépense particulière. Le principe est si rigide que pour le rendre  opérationnel la loi organique relative aux lois  des finances publiques qui régit la gestion de l’Etat y a, elle même, aménagé quelques exceptions  que sont les comptes spéciaux du Trésor, les budgets annexes et les fonds de concours ; ces derniers étant alimentés par des personnes physiques ou morales pour la réalisation de projets d’intérêt public déterminés.

Ce que nous demandons à ce principe de non affectation des ressources 

Nous lui demandons de déroger une fois de plus à la règle. La raison à cette demande vient de loin il est vrai , car sujette à un préalable qui pourtant concerne tous les ministères et la nation entière. Ce préalable, c’est la lutte contre la corruption  qui gangrène notre pays à n’en plus finir. Nous lui demandons de récupérer tout ce qui est détournement de deniers publics et de les placer dans un compte spécial du Trésor ouvert spécifiquement à cet effet. Les fonds ainsi récupérés serviront exclusivement à financer des projets sociaux dérogeant  ainsi au fameux principe de non affectation des ressources.

Comment s’explique cette demande?

La lutte contre la corruption dans un pays émergent ne peut pas être considérée comme un phénomène banal. Les  statistiques dont je dispose et que nous ne pouvons confirmer alertent sur le fait que 15 pour cent des richesses nationales font l’objet de détournements de deniers publics. Ce fait nous a poussés à suggérer naguère, en l’année  2012 précisément, que la lutte contre la  corruption soit inscrite au préambule de notre Constitution. Nous estimions en effet que ladite lutte devrait désormais  prendre un nouveau tournant et revêtir un caractère sociétal et non plus seulement juridique. Pour preuve, il n’est que de reconnaître amèrement que tout ce qui a été entrepris jusqu’à présent dans le cadre de la lutte contre cette gangrène a rapidement connu ses limites et a fini en queue de poisson.

Que ce soit  par le Président Mathieu Kérékou qui a débuté  cette lutte par un décret,  mais qui  n’a pu y mettre fin en dépit de sa position de Général d’armée. Que ce soit  par le Président Soglo avec la création de diverses commissions ad  hoc pour faire la lumière sur les biens mal acquis. Que ce soit par le Président Boni Yayi qui s’était donné  corps et âme à cette lutte en marchant, en créant plusieurs organes, en réussissant à arracher aux députés une loi portant lutte contre ce fléau mais dont le régime a, au finish enregistré le plus de détournements de fonds publics.

Que ce soit sous le Président Talon qui a eu le mérite de créer une juridiction spéciale à cet effet, la corruption persiste. Et tout porte à croire que cette institution créée depuis 2018, c’est-à- dire depuis 7 ans, n’est pas près de mettre un terme au fléau.

L’alternative

Notre demande de dérogation se présente comme le dernier recours contre un fléau tenace. Nous estimons qu’il est maintenant temps de comprendre que le peuple doit être associé à la lutte contre la corruption pour assurer son efficacité.  Et la meilleure façon de le faire, c’est de lui démontrer que l’argent qui lui a été volé a bien été récupéré, mis à l’abri dans un compte spécialement créé à cet effet et investi à son profit.

Différence entre les comptes spéciaux du trésor et celui que nous demandons

Je présume que les comptes spéciaux du Trésor sont techniques et anodins puisqu’ils ne sont accompagnés d’aucun qualificatif. Le compte que nous demandons devra avoir une connotation de redressement de tort commis envers la société. Et c’est pourquoi nous suggérons l’appellation “Compte debet détournement de deniers publics » pour recueillir toute appropriation illicite de deniers publics. Les fonds y reversés seront recyclés au  profit de la société dans des investissements à caractère social dans les poches de grande misère de  notre pays. Ce pourrait être une école,  un dispensaire, une maternité ou une aire de jeu. Ces opérations convaincront le peuple de tout le mal que lui font ceux qui détournent les deniers publics et de tout ce que l’Etat pourrait faire pour lui avec les forfaits que commettent les auteurs de détournements de deniers publics.

A (re) lire : Tribune : Pourquoi les artistes Béninois peinent-ils à vivre de leur art ?

En conclusion nous devrions finir par comprendre que l’on ne peut avoir raison de ce fléau que par le système que nous proposons d’autant qu’il soulèvera l’enthousiasme du peuple. Et le peuple est le meilleur allié du gouvernement méconnu jusqu’alors par les bureaucrates dans cette lutte d’autant qu’il est directement concerné. Mais il convient de lui donner des armes pour collaborer avec l’État. 

Et ces armes ont pour dénominations : dérogation au principe de non-affectation des ressources, création du compte debet et recyclage des fonds détournés à son profit. Le tout pourrait se faire sous la supervision d’une structure d’Etat telle que le Conseil économique et social.

Par Candide Ahouansou, homme politique, diplomate et écrivain béninois

Cette tribune est tirée de cette publication

Nous vous invitons à soutenir notre équipe en faisant un don. Veuillez cliquer sur ce lien à cet effet.

Rejoignez-nous ici :

Donnez-nous votre avis

En savoir plus sur SUNVI MEDIA

Abonnez-vous pour poursuivre la lecture et avoir accès à l’ensemble des archives.

Poursuivre la lecture