
Les concours sous le régime du Président Patrice Talon continuent de défrayer la chronique nationale et internationale. Depuis 2016, un nombre important des concours est annulé pour fraudes. Une marque que le régime de la rupture s’est finalement imprimée, dira-t-on.
Parler du nouveau départ à la vieille de la présidentielle de 2016 était, pour des Béninois, la trajectoire qui conduirait le Bénin vers un avenir meilleur où devraient disparaître les mauvaises pratiques, les fraudes lors des concours, le détournement, la corruption et tous ces vices qui freinaient le développement du pays. Mais à quelques mois de la fin du mandat de l’homme d’avril 2016, une tâche noire reste indélébile sur sa gouvernance.
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Même si des avancées ont été notées quant à l’organisation régulière des différents concours dans différents secteurs d’activités, l’on note tout de même une annulation, presque massive, des concours que le régime a, lui-même, organisés.
Un nombre qui interpelle
Les faits paraissent peu inquiétants en 2017 quand le peuple a découvert la fraude liée à l’organisation du concours des auditeurs de justice. En son temps, l’élément paraissait anodin, mais semble être aujourd’hui la cause des événements qui se succèdent.
Au cours de ce concours en 2017, quand le gouvernement avait constaté de dysfonctionnement lors de la composition d’une des matières programmées (procédure pénale) pour le concours des auditeurs, le Président de la République a vite fait d’annuler cette matière. Et pour donner la chance aux candidats, ils ont repris la matière et les résultats ont été proclamés. D’aucuns avaient salué ce geste du Président de la République, mais c’était sans compter sur la succession des cas de fraudes.
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En décembre 2017, la Caisse nationale de sécurité sociale (CNSS), structure étatique, a fait organiser un concours pour recruter 94 agents. Mais à la surprise générale, des syndicalistes sont montés au créneau pour dénoncer des irrégularités. Face à des dénonciations incessantes et la détermination de ces partenaires sociaux, le gouvernement a dû annuler ledit concours. Et là encore, on n’a noté des cas de fraudes.
[penci_blockquote style= »style-2″ align= »none » author= » » font_weight= »bold » font_style= »italic »]Le 11 juillet 2018, au cours du traditionnel conseil des ministres, le Président a annulé le concours de l’évaluation diagnostique des enseignants du primaire. Raison évoquée, de nombreuses défaillances dans l’organisation et le déroulement dudit concours.[/penci_blockquote]
Dans un communiqué en date du 2 octobre 2019, le ministre de l’enseignement secondaire et de la formation professionnelle, Kakpo Mahougnon, a annulé le concours des élèves inspecteurs session du 10 août 2019. La raison reste la même, des irrégularités et des magouilles dans la proclamation des résultats de ce concours.
En décembre 2020, suite à des fraudes et des cas de tricheries lors de la composition des épreuves pour le recrutement des auditeurs de justices, le Président a annulé le concours. Les mis en cause jugés et condamnés. Mais des Béninois soutiennent que les « grands bonnets » sont toujours libres et ne sont nullement inquiétés.
Dans sa décision du 8 janvier 2021, le ministre de l’enseignement maternel et primaire, Salimane Karimou, a décidé de l’annulation des résultats du concours probatoire pour l’obtention du certificat d’aptitude aux fonctions de conseillers pédagogiques session d’octobre 2020. Une nouvelle annulation qui s’ajoute à cette kyrielle de décisions du gouvernement Talon depuis 2016.
Une rigueur noyée ?
Dans les communications politiques et gouvernementales, des responsables à divers niveaux évoquent la rigueur du Président de la République. Les défenseurs des actions du régime Talon évoquent également une certaine ténacité et un engagement du Chef de l’Etat à ne tolérer aucune défaillance ni incompétences au sein de son appareil.
Dans une de ses sorties en 2018, le directeur de la communication de la présidence de la République a signifié que « l’appareil de la fraude lors des concours est maîtrisé et le gouvernement est dans la vision de l’organisation sans faille des concours et autres tests de recrutement ». Et si tout le monde, dans l’administration, s’accorde sur la rigueur de l’homme, pourquoi autant de fraudes, d’irrégularités et de défaillances dans l’organisation, la tenue et la proclamation des résultats des différents concours ? Des cas qui finalement, contraignent le gouvernement à annuler ces concours et tests de recrutement.
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Il y a donc un malaise. Soit les candidats sont tellement ingénieux qu’ils découvrent le corrigé-type et obtiennent les épreuves d’avance, soit l’appareil en charge de l’organisation est toujours corrompu et laisse traîner la brèche que des candidats saisissent sans gêne.
Pour des observateurs, la rigueur du Président Patrice Talon devrait éviter la survenance de ces cas de fraudes et de tricheries ou de défaillances dans l’organisation desdits concours. Mais, comme on pouvait s’en douter, des responsabilités sont rarement situées et des acteurs, les vrais, de l’organisation sont rarement inquiétés. Un traitement qui fait dire à certains que la lutte contre la corruption reste sélective et l’impunité demeure toujours sous le régime Talon malgré ses discours à ce sujet.
[penci_blockquote style= »style-2″ align= »none » author= » » font_weight= »bold » font_style= »italic »]Dans le camp du Président Patrice Talon, ces annulations dénotent de la bonne volonté du gouvernement à ne tolérer aucune faille et ce sont des choix politiquement corrects et qui crédibilisent davantage le régime de la rupture.[/penci_blockquote]
Les acteurs de l’opposition, par contre, soutiennent qu’il s’agit d’une incapacité managériale et la rigueur « affichée » n’est qu’une enveloppe qui ne résout nullement le problème. « Qu’est-ce qui peut nous rassurer que les concours et tests validés n’ont pas été entachés d’irrégularités et de fraudes ? » S’interroge Alban Assogba, sociologue.