Paires de gifles, tirages de cheveux ou d’oreilles, coups de fouets ou de chaussures, pincements, et bien d’autres pratiques. Ce sont là quelques-uns des châtiments corporels couramment utilisés sur les apprenants un peu partout dans les centres de formation.
« En mon temps, ma patronne nous donnait jusqu’à 50 coups de mains sans interruption pour une faute de rien du tout. Aujourd’hui, nous l’avons modéré mais il faut du bâton pour mieux redresser ces apprenants surtout de cette génération », soutient fermement Elodie, couturière à Tokan, dans la commune d’Abomey-Calavi. Pour elle, ce traitement corporel dans les centres de formation lui avait permis de vite assimiler les notions de couture. Toutefois, ajoute-t-elle, « on avait constamment la trouille et rien que ça, vous faites encore plus de gaffes ».
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Déjà dans sa 3ème année de formation, presque à la fin selon le contrat, Catherine, apprentie coiffeuse, dit avoir subi, à maintes reprises, des coups et même blessures suite à la bastonnade de sa patronne, trentagénaire, mais très « exigeante ». Et si Catherine a persévéré dans sa formation, ce n’est nullement le cas de Jean, apprenti mécanique auto, qui a dû abandonner sa formation pour traitement dégradant de la part de son patron. « Nous recevons constamment des coups, surtout des gifles. C’était vraiment trop », signale Jean.
Il est un secret de polichinelle que ces centres de formation professionnelle sont le théâtre aujourd’hui des châtiments corporels de toutes formes. Et lorsqu’un apprenant commet une faute ou erreur, la punition a lui affligée varie selon la gravité des faits. Aussi, doit-on compter sur l’humeur de la patronne ou du patron. Et si l’apprenant n’est pas encore à jour sur ses frais de formations, c’est un autre « drame » corporel avec des injures à n’en point finir.
Il y a des apprenants qui reçoivent des coups de bâton allant de 10 à 100 coups. Il y a d’autres punitions que le patron ne doit pas se priver. Celles liées à des gifles et ou des pincements d’oreille, témoigne un responsable de l’association des couturiers et couturières dans le 3ème arrondissement de Cotonou
Le cadre légal
Le législateur a doté le Bénin des dispositifs devant permettre d’apprendre ou d’être éduqué sans être contraint de subir de tels châtiments corporels. L’Assemblée nationale a d’abord ratifié les différentes conventions internationales qui interdisent le châtiment corporel de tout être, surtout des enfants.
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En plus de ces dispositions ratifiées, l’Assemblée nationale a examiné et adopté la loi N° 2015-08 portant code de l’enfant en République du Benin. L’article 119 de ce code stipule que « toutes les formes de châtiments corporels sont interdites à l’école, dans les centres d’apprentissage professionnel et dans les structures d’accueil ».
L’Etat veille à ce que, dans la famille, les établissements scolaires, les institutions privées et publiques, la discipline soit exempte de châtiments corporels ou de toute autre forme cruelle ou dégradante de traitement. Article 130 du code de l’enfant
En cas de manquement à ces dispositions législatives, la loi prévoit des sanctions aux contrevenants. A l’article 344, il est précisé que « le fait de soumettre un enfant à des actes de tortures ou traitements inhumains, cruels ou dégradants, sans que mort s’ensuive, est puni de cinq (05) à vingt (20) ans de réclusion et d’une amende de cinq cent mille (500 000) à un million (1 000 000) de francs CFA ». Et lorsque les traitements cruels, inhumains ou dégradants sont le fait du père, de la mère ou du tuteur, la peine est la réclusion à perpétuité.
Malgré donc cet arsenal juridique, la pratique continue dans des centres de formations artisanales tant conventionnels que privés. Les autorités ministérielles, en premier plan, devraient donc renforcer le système de veille, de surveillance et de contrôle tant dans les écoles que dans ces centres de formations pour dénicher ces enseignants et responsables de ces centres de formation qui peinent à respecter les dispositions de la République.
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Cette action permettra donc de réprimer afin « qu’ils servent de leçon aux autres ». « L’enseignement, ce n’est pas avec le bâton », a conclu Roland Hounguèvou, directeur exécutif de l’ONG Apodab, une ONG qui milite pour l’épanouissement de la petite enfance.