Bénin – Loi portant protection du littoral : Que comprendre?

La République du Bénin est un pays côtier, bénéficiant ainsi d’un espace sur  le littoral. En 2005, la culture et jachère occupaient 21%, soit 132 073 ha avec une savane et une forêt marécageuse qui occupaient 13,41% soit 80 769 ha de la superficie de la zone littorale couvrant, elle, 8.700 km2. En 2020, soit 15 ans après, les activités anthropiques ont réduit le pourcentage de la forêt marécageuse à 9,89% augmentant ainsi celui de la culture à 26,43%. Face à cette situation dévastatrice, le gouvernement , en accord avec les parlementaires, a entrepris le processus d’un cadre juridique pouvant désormais réglementer la zone. 

La zone littorale est une entité géographique qui regroupe les communes riveraines de l’océan Atlantique, des étangs salés, des plans d’eau intérieurs d’une certaine étendue et communiquant directement ou indirectement avec la mer. En  somme, elle est l’espace situé à environ 50 km au-delà de la zone d’influence de la marée moyenne, soit une superficie d’environ 8.700 km2 pour le cas du littoral du Bénin. Plus d’une vingtaine de  communes sont donc concernées et cette zone subit une forte pression anthropique.

La zone littorale appelle des politiques spécifiques de protection,  d’aménagement et de mise en valeur. La mise en œuvre de cette politique nécessite donc la définition d’un cadre juridique, une coordination d’actions de l’État et des collectivités locales ou territoriales. Après que le gouvernement d’alors a introduit le projet de loi, les députés l’ont adopté en leur séance du 17 avril 2018. Dans sa décision DCC 18-113 du 21 juin 2018, la Cour constitutionnelle a déclaré cette loi conforme à la  Constitution. C’est donc à juste titre que le Président de la République la promulgue pour son entrée en vigueur. 

Situation géographique et administrative du littoral béninois

Ainsi, la loi N°2018-10 du 2 juillet 2018 portant protection, aménagement et mise en valeur de la zone littorale en République du Bénin, est entrée en vigueur. Mais il fallait les  décrets d’application pour l’effectivité de cette loi. Il aurait donc  fallu cinq (5) ans avant que ces décrets ne soient pris par le Chef de l’État. Le 5 juillet 2023, tous les  décrets d’applications ont été pris, soit au total, huit (8) décrets d’application”, a mentionné Pulchérie Donoumassou, cheffe du service de la surveillance environnementale au ministère béninois du cadre de vie.

Mais toutes ces étapes législatives franchies, il faut celle qui est d’ailleurs la plus importante, la vulgarisation de la loi. Et pour ce faire, le Programme de gestion du littoral ouest africain (WACA) Résip Bénin a initié un atelier au profit des journalistes en vue de la vulgarisation de ladite loi et de ses décrets d’application.

Pour Eliassou Hamidou Seko, coordonnateur général de  l’unité intégrée de gestion de projets,  “les journalistes constituent un maillon  essentiel dans la vulgarisation de cette loi”. 

“Nous sommes conscients que les journalistes constituent le maillon le plus important de la  chaîne dans la vulgarisation d’une telle loi. Nul n’est censé ignorer la loi, encore faut-il la connaître. Si nous arrivons à vous  faire approprier ces différents textes  d’application, vous allez pouvoir accompagner le gouvernement à faire connaître, expliquer les tenants et les aboutissants de ces différents textes”, Hamidou Seko, lors de l’ouverture de l’atelier ce 3 avril 2024 à Cotonou. 

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Que comprendre de la loi et de ses décrets d’application?

La loi N°2018-10 du 02 juillet 2018 portant protection, aménagement et mise en valeur de la zone littorale en République du Bénin comporte au total 110 articles subdivisés en six (6) livres. Le livre I dénommé des dispositions générales comporte onze (11) articles et détermine le champ d’application de ladite loi, précise quelques définitions et fixe les principes généraux d’orientation du texte. Dans le Livre II intitulé “de la protection et de l’hygiène de la zone littorale”, le législateur y a identifié les espaces sensibles à protéger, a prévu des mesures de protection des ressources naturelles liées aux activités agricoles, à la pêche et à la pisciculture, à l’élevage, à la chasse, à l’exploitation des carrières, et aux activités touristiques et également y a prévu des mesures destinées à lutter contre les bruits, les nuisances, la pollution des eaux et du milieu naturel et à assurer l’hygiène dans la zone littorale. 

L’article 13 de ladite loi lit: “Les défrichements dans le cadre de la mise en place de culture sont effectués dans le respect des règles de domanialité publique et des textes sur le régime des forêts. Les règles à observer en matière de régime de la domanialité publique et des forêts dans le cadre des défrichements concernent notamment: l’obtention d’autorisation administrative préalable, l’interdiction de détruire des forêts galerie ou de défricher et d’installer des cultures le long des berges, des plans et cours d’eau (…)”.

En ce qui concerne les carrières de sable et de gravier, l’article 28 de la loi lit: “l’exploitation de sable et de gravier dans la zone  littorale est faite suivant un plan  d’exploitation défini par arrêté des ministres chargés des mines et de l’environnement sur avis technique de leurs structures compétentes. Cet arrêté détermine: le ou les périmètres d’exploitation, la durée d’exploitation du ou des périmètres, la quantité des prélèvements annuels et pour toute la période d’exploitation”. 

Des journalistes béninois lors de l’atelier de sensibilisation pour la vulgarisation de la loi sur le littoral, Cotonou le 3 avril 2024 © Bénin intelligent

Le livre III comporte seize (16) articles et fixe les principes d’aménagement de la zone littorale, institue les schémas directeurs d’aménagement dans la zone littorale, leurs modes d’établissement, leur contenu et le régime juridique qui est le leur. Ce livre détermine également les conditions de construction et d’installations d’équipements, d’ouvrages et d’infrastructures dans la zone littorale.

A ce niveau, l’article 77 spécifie: “les parties naturelles des rivages et des rives, des plans d’eau naturels sont protégées sur une distance de deux cents (200) mètres à compter des rives et rivages. Sont interdits sur les parties naturelles, toutes constructions, installations et tous affouillements. Ce périmètre de deux cents (200) mètres est exclu de toute opération de lotissement”. 

Quant au livre IV, il prévoit la répartition des tâches entre les autorités centrales et les collectivités territoriales dans la gestion de ce domaine du littoral. Ce livre prévoit également les modalités de gestion du domaine public maritime et des cours d’eau. C’est à ce niveau que le législateur définit les actions à mener contre toute personne qui enfreint aux dispositions de la loi. L’article 95 évoque: “En matière d’ouverture illégale de carrières de sable, de gravier ou de toutes autres ressources minières, l’action publique est engagée contre le promoteur de la carrière”. 

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“Nous ne connaissions pas cette disposition. Pour nous, nous pouvons juste extraire le sable et le vendre afin de subvenir à nos besoins quotidiens. Nous n’avions jamais eu connaissance de cette loi puisque c’est vous qui nous informez ainsi”, a fait savoir Robert Gandonou, un des travailleurs sur la carrière dans la commune de Sèmè-Podji à la question des autorisations quant à son activité. 

Le livre V avec ses seize (16) articles, indique les modalités de répression des infractions aux règles de protection des ressources de la zone littorale et prévoit les sanctions pénales et autres. Le dernier livre, livre VI, concerne les dispositions transitoires et finales et comporte trois articles.  Parmi les dispositions, l’article 105 mentionne: “Quiconque construit un ouvrage ou une installation, réalise des travaux ou exerce une activité sans respecter les prescriptions imposées par l’acte d’autorisation, est puni d’une amende de cinquante mille (50 000) à deux cent mille (200 000) francs CFA sans préjudice de la suspension du fonctionnement de l’installation ou de l’ouvrage”.

Pour le bon fonctionnement de cette loi, le gouvernement l’a fait accompagnée des décrets d’applications. Tous les huit (8) décrets d’application de cette loi ont été pris le même jour, c’est-à-dire, le 5 juillet 2023. Il s’agit notamment du décret N°2023-341 du 5 juillet 2023 portant les autorisations requises pour certaines techniques de pêche et d’aquaculture dans la zone du littoral; le décret N°2023-342 du 5 juillet 2023 portant conditions d’autorisation et normes de rejet dans la zone littorale; le décret N°2023-344 du 5 juillet 2023 portant mise en conformité des documents d’urbanisme avec des dispositions de la loi sur la zone littorale; le décret N°2023-345 du 5 juillet 2023 portant création de la cellule nationale de protection et de gestion du littoral et de ses démembrements et approbation de ses attributs. 

Le même jour, le gouvernement a également pris le décret N°2023-347 du 5 juillet 2023 portant interdiction d’enlèvement de capture et de détention des espèces animales protégées dans la zone littorale; le décret N°2023-348 du 5 juillet 2023 portant interdiction de certains engins et techniques de pêche dans la zone littorale; le décret N°2023-349 du 5 juillet 2023 fixant les modalités d’application des directives d’aménagement et de mise en valeur de la zone littorale et enfin le décret N°2023-350 du 5 juillet 2023 fixant règles de gestion et de valorisation des déchets issus des activités d’élevage dans la zone littorale.   

Hamidou Seko, coordinateur général de l’unité intégrée de gestion de projets WACA Résip Bénin (gauche) et Pulchérie Donoumassou, cheffe du service de la surveillance environnementale au ministère béninois du cadre de vie (droite) lors de l’ouverture de l’atelier ce 3 avril 2024 à Cotonou, Bénin © F/Sunvi Média

Pour Dr Abdou Salami Amadou, spécialiste eaux et forêts du projet WACA Résip Bénin et l’un des présentateurs lors de l’atelier de sensibilisation des journalistes sur la vulgarisation de cette loi, “le cadre juridique ne souffre désormais d’aucune insuffisance. Il suffit juste de faire connaître davantage cette loi aux populations pour un meilleur cadre de vie dans la zone littorale puisque chacun saura ce qu’il faut faire et ne pas faire”.

Et dans sa politique de vulgarisation de cette loi sur le littoral, le coordonnateur de WACA Resip Bénin entend “dépêcher ses équipes sur le terrain pour aller rencontrer les acteurs locaux et décentralisés et également des citoyens afin que personne ne soit ignorant de cette disposition législative déjà en vigueur en République du Bénin”.

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