
Les lois en vigueur au Bénin interdisent tout châtiment corporel en milieu éducatif. Les autorités s’efforcent pour une application stricte de cette législation. Mais malgré les efforts, des porches de résistances s’observent toujours dans le pays.
« Le bâton qui va en bas et qui ‘tombe’ sur le corps de l’enfant pourrait toucher n’importe quel organe et porter atteinte à l’intégrité physique de l’enfant. Le risque est si grand ». Ainsi s’est exprimé le psychopédagogue Antoine Awadi sur des cas des apprentissages basés sur le châtiment corporel. Dans cet entretien exclusif qu’il nous a accordé, l’homme précise que la pratique, même si elle avait permis, jadis, d’enseigner et d’éduquer, n’est plus d’actualité aujourd’hui puisque les modes éducatifs ont déjà beaucoup évolué.
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Le législateur béninois a doté son pays, en plus des dispositions internationales liées au châtiment corporel, de la loi N° 2015-08 portant code de l’enfant en République du Benin. Mais malgré ces législations, le bâton continue de dicter sa loi tant dans les écoles publiques et privées que dans des centres de formation et d’apprentissage.
Le risque d’un dérapage
Il est certes vrai que les premiers enseignements dans l’école béninoise étaient basés sur le châtiment corporel de tout genre. Et pour certains, cela n’a nullement empêché que des apprenants d’alors, aient la connaissance nécessaire et une formation éducative de qualité. Ce qui, soutiennent-ils, faisait d’ailleurs du Bénin le quartier latin de l’Afrique. Pour d’autres par contre, le temps est révolu et il faut s’adapter aux nouvelles exigences du monde.
Roméo Sessou est un enseignant béninois. Après plus d’une décennie de services dans le secteur de l’enseignement béninois, il soutient que le châtiment corporel permet de corriger plus vite que les punitions désormais recommandées pour corriger l’apprenant.
[penci_blockquote style= »style-2″ align= »none » author= »Roméo Sessou, enseignant » font_weight= »bold » font_style= »italic »]On nous demande aujourd’hui de retenir 5 mn du délai de récréation de l’apprenant. De lui faire recopier un certain nombre de fois ou de lui coller des heures pour sa conduite. Mais toutes ces formes de punitions sont peu dissuasives pour un apprenant béninois[/penci_blockquote]
En effet, soutient Rémi, aussi enseignant de formation, le malheur des apprenants se situe au niveau des enseignants ou patrons qui n’arrivent pas à maîtriser leur humeur, leur tempérament. Et sous l’effet de la colère, le dégât peut subvenir.
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Wilfried est apprenant au CEG 1 Ekpè, dans la commune de Sèmè-Podji. Elève en 3ème, il a perdu connaissance en décembre 2020 après des coups de son professeur. Pris de panique, il a été conduit à l’infirmerie du collège. Mais avant qu’il ne reprenne conscience, plus d’une demi-heure plus tard, la direction avait déjà fait appel à sa famille. Des recoupements, il ressort que l’élève n’avait pas obtempéré alors que l’enseignant leur déconseillait de recopier son cours en plein déroulement. Aussi, a-t-on appris que l’apprenant avait voulu porter la main sur son enseignant. Ainsi survirent les coups.
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Un fait certes banal, mais qui pourrait coûter la vie à un apprenant juste parce que l’enseignant n’a pas pu se maîtriser ou trouver la bonne formule pour le « corriger ». Et ce n’est qu’un des cas du genre souvent notés dans des écoles.
Le risque est trop élevé au cours d’un quelconque châtiment corporel. En donnant des coups sur les fesses d’un petit garçon, témoigne un directeur d’école, l’enseignant a tapé son sexe. Mis sous convocation après la plainte des parents, l’enseignant s’est retrouvé en prison pour coups et blessures.
[penci_blockquote style= »style-2″ align= »none » author= »Abdoul Liady, ex enseignant des PCT » font_weight= »bold » font_style= »italic »]Un jour, je devrais corriger les apprenants qui peinent à assimiler et qui ont fait une piètre figure lors de l’évaluation d’étape. En voulant châtier par des coups de fessées, j’ai involontairement donné de coup sur un abcès. Ce geste m’a tellement coûté[/penci_blockquote]
Près de 3 enseignants sur 5 que nous avons interrogés soutiennent qu’ils ne pouvaient pas « enseigner sans les bâtons ». Pour eux, « le bâton est la seule et unique solution pour mieux enseigner aux enfants béninois d’aujourd’hui ».
Même dans des écoles confessionnelles
D’aucuns pourraient soutenir que le châtiment corporel ne s’observe que dans des écoles classiques et autres puisque celles confessionnelles sont réputées pour une « bonne éducation », tant sur le plan scolaire que spirituel. Mais non. Des cas sont parfois même criards dans ces écoles.
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Dans une école confessionnelle à Ouenlinda, Porto-Novo, capitale du Bénin, une enseignante a connu plus d’une quinzaine de plaintes des parents pour châtiment de leurs progénitures. Dépassée, la direction a été contrainte de lui changer de classe alors même que les plaignants voulaient sa radiation ou sa présentation devant le procureur de la République. Et en plus de ces cas, beaucoup d’autres plaintes sont enregistrées selon nos sources. Mais contre toute attente, la direction reste souvent passive. Une attitude qui désole nombre de parents d’apprenants.
[penci_blockquote style= »style-2″ align= »none » author= »Bella, parent d’apprenant châtié » font_weight= »bold » font_style= »italic »]Quand je me suis rendue dans l’école pour plainte et demande d’explication, l’enseignante concernée m’a signifié que sans bâton, mon enfant ne sera que spectateur dans la classe. Et pour lui éviter cela, elle ne fait que lui infliger des coups de bâtons et de taloches[/penci_blockquote]
Il y a des écoles qui sont réputés dans le châtiment des apprenants. Rapprochés, les autorités de ces écoles arguent que la méthode chicotte a toujours favorisé les bons résultats et les belles performances éducatifs observés à la fin de chaque année aux différents examens. Et pour eux, « se passer du bâton, c’est de faire piètre figure aux examens de fin d’année ».
Traumatisé depuis la reprise des classes, dame Bella a dû changer d’école à son enfant. Et après elle, d’autres l’ont fait puisque l’administration est complice, soutiennent-ils, de ce traitement infligé aux apprenants.
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Mais malgré les sensibilisations, la perte de l’emploi des contrevenants, les poursuites judiciaires parfois, les nombreuses séquelles corporelles, psychologiques et mentales des enfants, des enseignants continuent toujours de s’adonner à ce mode d’enseignement. C’est d’ailleurs pour cela que Bella recommande aux autorités ministérielles, plus de durcissement dans le traitement des cas de châtiment dans les écoles et centres d’apprentissage.