Bénin : Quand la pollution atmosphérique aggrave les maladies respiratoires chez les seniors

Au Bénin, par exemple, le phénomène est aggravé par l’insuffisance de services spécialisés, quantitativement suffisants, dans la prise en charge des maladies respiratoires et le manque d’information sur les mesures de protection

La pollution atmosphérique représente aujourd’hui un enjeu sanitaire majeur pour les personnes âgées au Bénin et, plus largement, en Afrique. L’interaction entre une exposition chronique à des polluants et la fragilité des seniors aggrave les maladies respiratoires et pèse significativement sur le système de santé.

Nestor Ahoton, septuagénaire et administrateur civil à la retraite vit dans sa construction à quelques mètres du carrefour Dedokpo, Akpakpa dans la commune de Cotonou, Bénin. Veuf et père de 4 enfants, Nestor vit avec ses deux petits fils et sa bru. Le mari de cette dernière est à l’étranger et les trois autres enfants de Nestor font déjà leur vie loin du cocon familial. « En 2021, alors que je commençais à avoir des problèmes respiratoires, le médecin m’a diagnostiqué une bronchite aïgue. J’ai, bien évidemment, suivi le traitement médical et s’en est sorti guéri. Mais quelques mois plus tard, le même mal réapparaît et, cette fois-ci, plus insistant et plus grave. Après traitement, le médecin m’a recommandé de déménager ou de prendre des mesures adéquates pour éviter toute exposition à la pollution atmosphérique ». Ainsi se résume l’histoire de Nestor qui, malgré les soins adéquats, continue de vivre avec cette maladie respiratoire qui lui a même causé un AVC qu’il traîne jusqu’à ce jour.

La ville de Cotonou, à l’instar des capitales du monde, connaît des problèmes de pollution de l’air. Cette pollution extérieure génère une pollution intra domiciliaire ou « indoor pollution ». La question de la pollution intra domiciliaire reste un domaine cependant peu appréhendée par les décideurs et les populations, mais ce fléau est réel et tue silencieusement.

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Cotonou connaît une croissance du trafic routier surtout avec la prévalence de véhicules anciens très polluants et la multiplication de sources industrielles. Selon les derniers rapports, le Bénin compte plus de 250 000 conducteurs de taxi-moto et plus de la moitié de ce nombre opère dans la ville de Cotonou. Selon le rapport de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), la pollution atmosphérique représente la deuxième cause de décès en Afrique. Sur ce continent, environ 1,1 million de personnes sont mortes prématurément de maladies liées à la pollution atmosphérique – pathologies cardiaques, accidents vasculaires cérébraux, maladies pulmonaires obstructives chroniques et cancers du poumon – en 2019. La santé humaine est donc en jeu, mais également celle de la planète. Le Bénin représente 0,6 % des émissions mondiales de CO2, dont 65 % provenant des transports. Les 35% restants proviennent de la combustion domestique de bois et de charbon et les activités industrielles y compris la gestion insuffisante des déchets.

« J’ai énormément de mal à respirer et j’ai la toux en permanence. J’avais pensé un instant que j’avais la tuberculose, mais les différentes analyses au centre hospitalier à ce sujet n’ont rien prouvé. Toutefois, on a découvert des particules fines autour de mon poumon, principaux agents causant des problèmes respiratoires ». Ainsi s’est confié à nous, Rigobert Bonou, sexagénaire et vivant à quelques encablures de l’usine de cimenterie CimBenin à Sèkandji, dans la commune de Sèmè-Podji.  Malgré la politique environnementale de ce complexe industriel, les populations riveraines vivent le martyrs et s’y plaignent constamment. Avec l’âge, le système immunitaire et les fonctions pulmonaires s’affaiblissent. Les personnes âgées, le cas de Rigobert, sont donc plus exposées aux effets délétères des particules fines, de l’ozone, du dioxyde d’azote ou encore du soufre. L’inhalation chronique de ces substances aggrave ou déclenche plusieurs pathologies respiratoires telles que l’exacerbation de l’asthme et de la bronchite chronique, l’apparition ou l’aggravation de bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO), les infections respiratoires fréquentes (pneumonie, bronchite aiguë), le risque accru de cancer du poumon, même chez les non-fumeurs et la réduction de la fonction pulmonaire, limitant l’autonomie et les activités quotidiennes.

Un problème sous-estimé et inégalitaire

En Afrique subsaharienne, les travaux scientifiques sur les liens entre pollution et santé des seniors sont encore peu nombreux, mais les tendances observées rejoignent celles de continents plus étudiés : les personnes âgées des milieux urbains défavorisés paient un tribut plus lourd, avec une accessibilité limitée aux soins et à la prévention.

Au Bénin, par exemple, le phénomène est aggravé par l’insuffisance de services spécialisés, quantitativement suffisants, dans la prise en charge des maladies respiratoires et le manque d’information sur les mesures de protection, telles que la réduction de l’exposition lors des pics de pollution ou l’usage de masques protecteurs.

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Le Programme national de lutte contre les maladies non transmissibles (PNLMNT) est une initiative clé du ministère béninois de la Santé, visant à répondre au défi croissant que représentent les maladies non transmissibles (MNT) pour la santé publique et le développement socio-économique du pays. Malgré l’élaboration et la mise en œuvre de plans stratégiques nationaux pour la prévention et le contrôle des MNT, les seniors ont toujours du mal à bénéficier d’une assistance adéquate et d’un suivi personnalisé. 

Comme l’illustrent les cas de Nestor et de Rigobert, ce sont les enfants qui, malgré leurs propres charges, sont contraints de prendre soin de leurs parents pour un problème sanitaire public pour lequel les services étatiques devraient trouver des solutions appropriées. Les solutions pourraient déjà émerger avec l’investissement dans la prévention, la modernisation des transports et la sensibilisation. Il est donc possible de limiter ce fléau et de garantir un vieillissement en meilleure santé pour des milliers de personnes âgées dans le pays et en Afrique.

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