Bénin : La fertilité, ça chute !

Même les zones rurales, réputées être des zones de grande fertilité, sont aujourd’hui dans la dynamique de réduction du taux de naissance par femme.

La fertilité au Bénin, mesurée par l’indice synthétique de fécondité (ISF), a connu une baisse progressive entre 2010 et 2025. La volonté, voire l’engouement jadis autour de la natalité au Bénin, laisse aujourd’hui place à la méfiance, le calcul et surtout la peur de la famille nombreuse. Même les zones rurales, réputées être des zones de grande fertilité, sont aujourd’hui dans la dynamique de réduction du taux de naissance par femme.

De 4,9 enfants par femme en 2010 avec un pic de 5,7 enfants par femme en 2017-2018, les femmes n’envisagent maintenant que 4,4 enfants en 2025 avec des estimations annonçant une baisse considérable d’ici 2040. Ces chiffres et estimations proviennent principalement de l’indice synthétique de fécondité (ISF). Cet indice est en effet le nombre moyen d’enfants par femme en âge de procréer et l’indice constitue un indicateur démographique clé pour comprendre les dynamiques de population d’un pays.

Xavier, administrateur civil et agent de l’État à la retraite dit être fier aujourd’hui de ses enfants et de ce qu’ils sont devenus surtout avec ses petits fils et filles. Des enfants, Xavier en a 32 au total avec 3 épouses qui sont toujours avec lui dans sa maison familiale à Zè. “L’épouse qui a fait moins d’enfants en avait fait 8. L’autre a fait 11 et la première épouse 13. Elles avaient toutes accouché par voie basse et tous les enfants sont toujours en vie et en bonne santé. Ils travaillent dans différents corps de métiers et ma famille vit en harmonie”, nous a confié Xavier qui ajoute que ces petits enfants sont plus de quatre-vingt et ses arrières petits enfants une trentaine déjà. 

“Xavier a vécu au village et avait besoin de la main d’œuvre pour les travaux champêtres. Son époque était bien différente de l’actuelle où les nouvelles technologies ont forgé de nouvelles générations d’hommes et de femmes dans la société. Aucune femme ne saurait envisager aujourd’hui une telle fécondité”, a affirmé Yves Goudjo, socio-anthropologue. 

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Les données de ISF sur le Bénin a également mentionné cette disparité marquée entre zones rurales et urbaines dominée par une influence persistante de facteurs socio-économiques. Les zones rurales affichent effectivement une fécondité systématiquement supérieure aux urbaines. En 2017-2018 par exemple, l’ISF rural atteignait 6,1 enfants par femme contre 5,2 en urbain, un écart persistant depuis les enquêtes antérieures. En 2024 – 2025, ce chiffre stagne dans les zones rurales alors qu’il a chuté en milieu urbain avec 3,9 enfants par femmes. Cette différence s’explique par un faible recours aux contraceptifs modernes (12% nationalement, mais inférieur en rural) et un démarrage précoce de la procréation (âge médian aux premiers rapports sexuels : 17,3 ans). Les projections démographiques réalisées (INStaD, 2022) confirment cette dualité spatiale jusqu’en 2030.​

Suivant cette étude, les disparités régionales soulignent des pics en zones rurales du Nord : Donga (6,8), Atacora (6,7), Alibori et Borgou (6,2), contre 4,0 au Littoral (urbain). Ces écarts persistent en 2025, avec une fécondité urbaine côtière (Littoral, Ouémé) inférieure à la moyenne nationale.​

Pour sa majesté Houézèzoun Alotchéou Woudjigbé, roi de Bonou, “les zones rurales, où vit encore une part importante de la population (environ 52 % en 2025 NDLR), maintiennent une telle fertilité plus élevée en raison de traditions culturelles favorisant les familles nombreuses, d’un accès limité à la contraception et d’une dépendance à l’agriculture familiale nécessitant une main-d’œuvre abondante”. A contrario, les zones urbaines, comme Cotonou, bénéficient d’une meilleure scolarisation des filles et d’une émancipation économique des femmes, contribuant à une baisse plus rapide de la fertilité.

Facteurs influençant la fertilité

La dynamique de la fécondité au sein de la population révèle des disparités socio-économiques et éducatives importantes, constituant un obstacle majeur à une transition démographique rapide et équitable. Les données (2017-2018) mettent en lumière une corrélation inverse et très marquée entre le niveau d’instruction, la richesse et le nombre d’enfants par femme. On observe que les femmes sans aucune instruction affichent un taux de fécondité de 6,4 enfants en moyenne, soit près du double de la moyenne observée dans de nombreux pays en transition. En contraste, ce taux chute significativement pour les femmes ayant atteint le niveau secondaire supérieur, se stabilisant à 3,6 enfants par femme.

Parallèlement, la stratification par quintile de richesse confirme cette tendance : les 20% des ménages les plus pauvres enregistrent un indice synthétique de fécondité (ISF) de 7,0 enfants, témoignant d’une forte pression démographique dans les milieux défavorisés. Inversement, le quintile le plus riche affiche un taux nettement inférieur à 4,2 enfants. Ces écarts soulignent l’impact de l’accès à l’éducation et aux ressources économiques non seulement sur le bien-être général, mais aussi sur les choix reproductifs.

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Malgré les efforts de planification familiale, l’utilisation des méthodes modernes de contraception demeure un point de blocage critique pour l’accélération de la transition démographique. Le taux de prévalence contraceptive moderne stagne à un niveau très faible, atteignant seulement 12% chez les femmes en union.

Cette faible couverture se traduit par un niveau élevé de besoins non satisfaits en planification familiale, qui atteint 32%. Cela signifie qu’un tiers des femmes mariées ou en union souhaitent espacer ou limiter leurs naissances mais n’ont pas accès ou n’utilisent pas les méthodes contraceptives adéquates. Cet écart entre désir de régulation des naissances et pratique effective représente le principal frein à la baisse de la fécondité et à l’atteinte des objectifs de santé maternelle et infantile.

Un autre indicateur préoccupant est la persistance d’une fécondité adolescente élevée. 20% des jeunes filles âgées de 15 à 19 ans sont déjà mères ou enceintes de leur premier enfant. Cette situation a des répercussions graves sur la santé des mères et des enfants, ainsi que sur l’achèvement du parcours scolaire des adolescentes, perpétuant le cycle de la pauvreté.

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Cette problématique est particulièrement exacerbée en milieu rural, où 24% des adolescentes sont concernées, contre 15% en milieu urbain. Les facteurs explicatifs incluent le mariage précoce, les faibles niveaux d’éducation, le manque d’information sur la santé sexuelle et reproductive, et les normes sociales qui favorisent les grossesses précoces.

En somme, si la fécondité montre des signes de baisse dans les segments de population les plus aisés et instruits, la forte inertie démographique des populations pauvres et rurales, combinée à la stagnation de la couverture contraceptive et à l’ampleur de la fécondité adolescente, exige une intensification des politiques publiques ciblant l’éducation des filles, l’autonomisation économique des femmes et l’amélioration de l’accès et de la qualité des services de planification familiale.

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