Bénin : Quand le vendeur côtoie la « mort » à la sauvette

La ville de Cotonou – Bénin – en plus de ses belles lumières et son ambiance festive, est confrontée au phénomène de la vente à la sauvette. Au niveau des carrefours, les grandes artères et points stratégiques, ils sont tous là, ces vendeurs à la sauvette malgré le risque qu’ils encourent.

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« Fofo, pure water. E fâ komin. Man zé wa a ? » (Grand frère, de l’eau potable, bien fraîche. En voulez-vous ? Ndlr). C’est à ce monologue presque que se résume la journée de Adèle, quadragénaire, femme au foyer et mère de quatre (4) enfants. Au carrefour Marina, à quelques mètres de la place de l’Etoile rouge à Cotonou, Adèle, en tee-shirt noir, pagne noué, sa fille de huit (8) mois au dos, un bol contenant des sachets d’eau sur la tête, se faufile entre les conducteurs en attente du feu vert pour démarrer. Sous un soleil ardent cet après-midi-là, Adèle ne pouvait pas s’empêcher d’essuyer de temps en temps la sueur qui couvrait son visage peu rayonnant. Rosine, sa fille de huit mois au dos n’a bénéficié d’aucune couverture pouvant la préserver de ces « puissants » rayons de soleil. Il lui suffit juste d’entendre « sin fifa » (de l’eau fraiche Ndlr) pour se précipiter vers le demandeur. Les obstacles, des dangers éventuels, elle s’en préoccupe très peu.

« Vous le constatez aussi non tonton (s’adressant à nous dans un Français approximatif), je ne suis pas la seule à vendre de l’eau ici. Et pour cela, il faut être bien active et prompte au risque de perdre les ‘clients’ », a répondu Adèle sur ses différentes courses entre les conducteurs. Elle vient au niveau du carrefour vers 8h et ne se retourne qu’au-delà de 18h30. Suivant son récit, Adèle fait un bénéfice de quatre (4) euros environ par jour, soit deux (2) mille six cents francs CFA.

[penci_blockquote style= »style-2″ align= »none » author= »Adèle, vendeuse de Pure Water » font_weight= »bold » font_style= »italic »]En moyenne, je vends sept (7) emballages de 20 sachets d’eau par jour. Les risques sont bien élevés, mais ce bénéfice journalier est le seul espoir de ma famille[/penci_blockquote]

Au carrefour Saint Michel, à quelques encablures du grand marché international « Dantokpa », nous rencontrons Saïd. De nationalité nigérienne, Saïd réside au Bénin depuis 2015 et est étudiant en 2ème année dans une des universités privées du pays. Pendant ses heures de pause, les week-ends ou heures creuses, il se rend chez son fournisseur, aussi Nigérien, pour se procurer des vêtements de friperies (chemises, pantalons, culottes et tricots).  A l’arrêt des usagers de la route pour feux de signalisation, Saïd se précipite pour leur présenter ses articles.

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« Monsieur, c’est votre taille, celui-ci vous irait super bien, veuillez prendre ceci pour les enfants, ce sont des habits de qualité qui pourront durer longtemps », marmonne souvent Saïd afin de vendre ses articles. En quelques minutes d’observation, bien avant de nous rapprocher de lui, un motocycle s’est intéressé à une de ses chemises. Mais le temps que ce conducteur ne sorte l’argent pour le payer, le feu vert s’allume. Les deux (vendeur et acheteur Ndlr) devront donc s’avancer pour ne pas bloquer le passage des autres.

Le vendeur, ayant déjà remis la marchandise sans être payé, a été obligé de courir entre les motos et véhicules pour se retrouver de l’autre côté aux fins de récupérer sa somme. A deux fois de suite, il a failli heurter deux automobilistes qui faisaient un virage inattendu. Nous le retrouvons donc à son arrêt et après qu’il a perçu ses frais de vente. Essoufflé, Saïd nous signale que c’est presque la vie quotidienne qu’il mène s’il n’est pas dans les amphis. « Je côtoie en permanence le danger. Je vis même parfois ce danger, mais je n’ai pas le choix. Je dois survivre ici à Cotonou et poursuivre aussi mes études », a désespérément déclaré Saïd.

Comme Adèle et Saïd, ils sont des dizaines de marchands qui se livrent à une telle vente à la sauvette dans la ville de Cotonou. Les points stratégiques étant les carrefours à feux tricolores, ces vendeurs se retrouvent aussi parfois aux abords de certaines routes inter-Etats ou interurbaines. Ils se soucient font fi des risques puisqu’ils soutiennent, la plupart, que leur vie est déjà « risquée ».

Un commerce au prix de sa vie

Les marchands à la sauvette sont ceux qui vendent en fraude sur la voie publique, c’est-à-dire une vente sans licence ou souvent des marchandises prohibées. Ces marchands disposent d’éventaires facilement transportables qui leur permettent de se sauver rapidement en cas d’alerte. L’alerte, c’est l’arrivée des hommes en uniforme, des services de contrôles d’hygiène ou toute autre structure devant réprimer ces vendeurs « illégaux ». Ils sont bien différents des vendeurs ambulants qui, eux, ont une autre approche de vente à proximité.

« Nous savons tous qu’il est interdit de procéder à une vente à la sauvette. Nous sommes également conscients que notre vie est en danger permanent et nous enfreignons les dispositions légales en la matière. Mais entre ce que recommandent les textes, les normes sociétales et la réalité quotidienne que nous vivons, il nous fallait opérer un choix ; et c’est celui-ci », déclare Abdoul, vendeur de chiots sous l’échangeur de l’avenue Steinmetz à Cotonou. Il a tout de même reconnu le caractère illégal de cette activité et a d’ailleurs salué les efforts des autorités qui aménagent les marchés pour la cause.

Malgré l’arrêté préfectoral de décembre 2018 interdisant cette pratique de vente dans la ville de Cotonou, ces marchands continuent toujours au péril de leur vie. Et pour mettre fin à cette pratique, des sites ont été aménagés pour « reloger » ces marchants à la sauvette et vendeurs ambulants. Mais sur ces sites, c’est désormais comme un espace désertique.

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Au même moment, au niveau des grands carrefours réputés pour ces ventes à la sauvette, c’est presque « l’envahissement ». Au carrefour Saint Michel, Saïd, le vendeur de friperies nous a signalé que « des accidents sont courants ». « Ces accidents sont soit causés par les vendeurs ou impliquent ces derniers. C’est trop risqué, mais il vaut mieux présenter les articles aux usagers qui n’ont souvent pas de temps de fréquenter les marchés pour des petits articles », révèle-t-il.

« C’est presque une l’agression »

La vente à la sauvette est diversement appréciée par les usagers « clients ». Pour certains, l’achat au niveau des carrefours des articles dont on a besoin réduit considérablement le temps qu’on devrait passer pour se rendre dans les marchés ou les supermarchés.

« Pourquoi me tracasser à parcourir les garages ou autres boutiques de vente quand je sais que je pourrai avoir, lors de mon arrêt dans un feu tricolore, un essuie-glace que le vendeur me placera automatiquement ? » S’est interrogé un conducteur de véhicule rencontré au carrefour Marina, Cotonou. Pour lui, la qualité n’est souvent pas au rendez-vous, mais c’est un article qui pourrait dépanner. Tout en s’inquiétant pour la vie de ces marchands à la sauvette, le conducteur dit ne pas partager l’idée de l’interdiction de cette technique de vente qui, d’ailleurs, existe dans presque tous les pays.

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[penci_blockquote style= »style-2″ align= »none » author= »Joachim, conducteur Taxi-ville » font_weight= »bold » font_style= »italic »]Ces marchands nous agressent presque. Ils nous harcèlement même à la limite et violent parfois notre intimité puisqu’ils braquent leur regard à l’intérieur du véhicule. L’identité des passagers n’est plus assurée, ni garantie[/penci_blockquote]

Les dirigeants font certes des efforts pour rendre la ville de Cotonou plus attrayante et accueillante, mais ce phénomène, comme dans d’autres grandes villes du monde, persiste. En attendant une interdiction effective de cette technique de vente dans la ville, ces marchands survivent grâce aux bénéfices qu’ils réalisent quotidiennement malgré les risques permanents.

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