Cameroun – Agro-industrie et déforestation : Le cri de détresse des populations autochtones de Logbadjeck

Pendant des années, les populations de Logbadjeck ont été privées des vastes hectares de forêts qui constituaient l’un des atouts les plus importants de chacun de leurs villages, au détriment des carrières que des sociétés étrangères ont créées. Ces dernières, françaises, chinoises, portugaises, indiennes et autres extraient des matériaux de construction tels que des graviers et autres dépôts sédimentaires sur ces sites.

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La perception et la crédibilité du développement participatif, concepts qui suggèrent l’implication des Populations autochtones ou locales, de même que les projets de conservation durable souffrent souvent de leur confrontation avec l’exploitation forestière ; surtout si cette dernière est incontrôlée.

Dans le Département de la Sanaga Maritime, mais plus précisément dans les villages Logbadjeck et Kopongo, sites sur lesquels nous avons mené une enquête, les populations, démunies, faibles et sans véritables moyens de défense, assistent à la destruction de leur forêt, remplacées par les carrières installées par de grandes filiales étrangères.

Evénement 

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D’ailleurs, dans le cadre d’une étude menée par « Global Forest Watch », il est démontré que de 2001 à 2020, la Sanaga Maritime a perdu 78,6 kha de couvert arboré, soit une diminution de 9,1% du couvert arboré depuis 2000, et 28,1Mt d’émissions de CO₂.

Or, dans leur prospection, ces dernières ne tiennent pas toujours compte des délimitations mentionnées sur les documents qui leur sont attribués par les administrations concernées.

[penci_blockquote style= »style-2″ align= »none » author= »Majesté Salomon Motassi – Chef de village à Kopongo » font_weight= »bold » font_style= »italic »]L’entreprise Razel a, au-delà de couper des arbres aux essences rares, détourné le cours d’eau qui faisait office de barrière entre le village Logbadjeck et le nôtre. Je ne suis pas en mesure de vous dire exactement le nombre d’hectares de forêt détruit lors des opérations menées par Razel ; Cependant, je peux vous dire avec certitude que nous avons perdu les essences comme le Bibinga –  l’Azobe – l’Iroko – le Noyer, le Teck et bien d’autres.[/penci_blockquote]

Pillage d’un espace riche en espèces végétales et animales    

Bien que les responsables des différentes carrières se défendent éperdument, les populations de Logbadjeck par exemple, estiment que l’intrusion des individus, pas toujours identifiables dans leur forêt, à des heures indues pour des coupes sauvages et illégales des grumes, a connu une extension ces dernières années à cause de ces industries de carrière. Celles- ci ouvrent en permanence de larges pistes forestières, détruisant des hectares de plantation, détournant des cours d’eau, etc.

Et, bien que cela ne repose sur aucune étude scientifique, les habitants de Logbadjeck estiment qu’au moins 60% d’hectares de forêts ont été détruites, remplacées par des entreprises françaises, chinoises, libanaises, portugaises qui ne garantissent aucune mesure restrictive afin d’éviter les débordements dans leur zone d’intervention.

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Par ailleurs, les plaintes des populations locales montrent que la proximité physique des mécanismes de conservation, associée à ceux de l’exploitation, du déploiement dans les zones concernées, sans parler des négociations avec les villageois semblent avoir engendré une méfiance croissante.

Des populations écartées de la gestion des ressources

Le concept d’une gestion participatives en accord avec les populations concernées est une option qui s’avère incontournable dans les politiques de « bonne gouvernance » ; de même que les programmes de « développement durable » aujourd’hui.

Si comme le laisse entendre le Centre pour l’Environnement et le Développement (CED), qui prend appui dans les discours institutionnels et politiques dominants, comme dans les déclarations des programmes de coopération internationale, les formules consensuelles de Développement Durable et de Participation Locale donnent l’impression de vouloir imposer un certain humanisme, leur mise en pratique est de peu d’utilité surtout pour ceux qui sont censés en bénéficier.

La situation qui prévaut à Logbadjeck, semble être une parfaite illustration de ce déphasage, entre les discours et la pratique. Les entreprises étrangères qui exploitent ces vastes étendues de terres, ayant appartenu autrefois aux habitants de ce village, donnent l’impression de ne pas se préoccuper des concepts évoqués ci-dessus. Elles se contentent plutôt de se prévaloir des autorisations obtenues auprès des administrations concernées.

Au-delà de spolier les populations de leurs terres, ce qui prive ainsi les générations futures de leur patrimoine, ces différentes industries emploient très peu de jeunes locaux. Pour ceux qui sont recrutés, ils ne bénéficient pas tout à fait des normes requises par l’Organisation Internationale du Travail (OIT).

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Le constat sur le terrain, de même que les différents avis recueillis auprès de divers acteurs nous ont amené à évaluer de manière tout à fait caricaturale, ce pourcentage. Seulement 15% de jeunes recrutés viennent de Logbadjeck avec 1% de femmes, qui sont uniquement affectées aux travaux ménagers et 85% de travailleurs viennent de Douala, Puma, Yaoundé et d’autres villes du Cameroun.

Des chiffres que nous n’avons pas pu comparer avec aucune donnée officielle, étant donné que dans les services du cadastre, et même au niveau du ministère des Forêts et de la Faune, les différents responsables rencontrés ont affirmé qu’il n’en existe aucun.  Les raisons de ces choix qui paraissent discriminatoires sont de nature diverse.

Sa Majesté Séraphin Hiol Motassi – Chef traditionnel de Logbadjeck interrogé sur la question, parle notamment de paresse, d’irresponsabilité, de non-respect des termes du contrat et autres

[penci_blockquote style= »style-2″ align= »none » author= »Majesté Séraphin Hiol Motassi, chef traditionnel de Logbadjeck » font_weight= »bold » font_style= »italic »]Nous sommes certes conscients que les exploitants de carrière ne respectent pas totalement le cahier des charges, mais jusqu’ici, nous nous sommes battus pour recruter les jeunes de notre village dans ces sociétés ne pas afficher de comportement responsable et ce que nous avons le plus déploré, c’est la consommation d’alcool et autres actes peu honorables[/penci_blockquote]

Nous avons dû intervenir plus d’une fois, poursuit sa majesté, lorsque nous avons entendu parler des licenciements chez Razel – Société française. Mais, lorsque les faits nous ont été présentés, nous avons été contraints d’abdiquer, car enterrer un enfant qui allait travailler à la carrière, en un état d’ivresse très avancé et au chômage, vous conviendrez avec moi que le choix est vite fait

Ceux qui y travaillent ont des contrats à durée déterminée et peuvent être licenciés au moindre faux pas, sans aucun recours, comme l’affirme Landry Mbeleck – Jeune en chômage. « J’ai été employé pendant 11 mois, au sein des entreprises chinoises installées ici chez nous. Si l’on peut se réjouir qu’à Royal et Huang Pierre, les salaires sont acceptables, les horaires de travail respectées, en plus du paiement des heures supplémentaires, on déplore néanmoins le fait que certains jeunes aient été licenciés pour des raisons que je trouve fallacieuse ; J’ai été licencié parce qu’on m’a accusé d’avoir été absent pendant quelques jours ».

 Et pourtant, se désole Landry, j’étais bien souffrant et j’ai même apporté mes carnets d’hospitalisation. Je dois vous dire que j’ai utilisé mon propre argent pour me soigner, l’entreprise ne m’a rien donné et a refusé de me prendre en charge, sans oublier que je n’étais même pas affilié à la Cnps. Je ne peux compter le nombre de mes camarades qui sont dans la même situation que moi, et qui ont eu des accidents de travail, dans les carrières mêmes.

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Face à ces dénonciations, des responsables des carrières ne fournissent même pas des équipements de protection. En dehors de la société Razel qui s’efforce de fournir à ses employés les uniformes conformes à ce type d’emploi, des jeunes présents sur les autres chantiers s’y rendent, pratiquement avec des tenues qu’ils portent pour aller dans les champs. Une situation qui ne semble pas émouvoir ces industriels qui ne se concentrent que sur la réalisation du maximum de profit.

Les Camerounais recrutés sont, dans la quasi-majorité, affectés à des tâches subordonnées. Les quelques rares qui sortent du lot, à l’instar de François Bell, disent qu’ils ont dû travailler dur avant de se voir confier des responsabilités.

[penci_blockquote style= »style-2″ align= »none » author= »Bell François – Directeur adjoint de Royal et Huang Pierre » font_weight= »bold » font_style= »italic »]Nous ne pouvons pas rejeter entièrement la faute sur les opérateurs. Ici, chez les Chinois, c’est juste le travail qui porte ses fruits. J’ai gravi les échelons, prouvant que je suis qualifié pour faire le travail requis. Je n’ai jamais fait de surcharge, contrairement à certains. Bref, j’ai réussi à instaurer un climat de confiance qui m’a donné la latitude d’occuper le poste qui est le mien aujourd’hui[/penci_blockquote]

Le patrimoine routier de Logbadjeck entièrement détruit 

Les routes qui serpentent à travers le paysage luxuriant et qui traversent les villages de cet arrondissement sont dans un état lamentable. Les chaussées, qui faisaient jadis la fierté des populations locales sont depuis bientôt dix ans, voire plus, lacérées par des grumiers transportant du bois, de même que des camions qui transportent du gravier, sous le regard impuissant des habitants. Ces derniers souhaitent pourtant instamment que cessent ces va-et-vient qui altèrent considérablement le frêle patrimoine routier de la localité et diminuent la population forestière.

Une prière qui se fait d’autant plus insistante que les clauses inscrites dans les cahiers de charge, signés par les exploitants de ces ères ne sont quasiment plus respectées. Tous se livrent une bataille sans merci, arguant qu’à cause de l’implantation des multiples carrières, les bénéfices ne sont plus assez conséquents.

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Des arguments battus en brèche par Koambi Betta Anicet Bernadin –  Sous Préfet de l’Arrondissement de Logbadjeck qui, au cours d’une rencontre avec les différents acteurs, a invité les uns et les autres à aller au-delà de la nourriture du village, car dans les cahiers de charge, il est inscrit l’arrangement des routes, la construction des salles de classe, des centres de santé, des forages d’eau et autres.

Le sous préfet représente une lueur d’espoir pour les Populations de Logbadjeck, même si ce dernier est   conscient des blocages qu’il pourra rencontrer sur son chemin, à cause de la chaîne d’influence malsaine et de la corruption que certains ont développée au fil des années.

Une question taraude toutefois les esprits, combien de temps va-t –il falloir pour que les arbres repoussent et que la forêt de la commune de Logbadjeck retrouve sa verdoyante nature d’antan ?

Nicole Ricci Minyem

[penci_blockquote style= »style-3″ align= »none » author= » » font_style= »italic »]Cette histoire a été soutenue par Code for Africa et financée par Global Forest Watch (GFW) avec le soutien du ministère norvégien du climat et de l’environnement (KLD). GFW soutient le journalisme axé sur les données par le biais de son initiative de fonds de petites subventions. L’éditeur maintient une indépendance éditoriale complète sur les articles rapportés à l’aide de ces données[/penci_blockquote]

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