Bénin : Voici quelques grands défis d’une législature de transition

L’histoire politique béninoise connaît l’installation des députés de la 9e législature ce 12 février 2023. Désormais installés pour un mandat de transition de trois (3) ans, les députés de cette législature ont un pari déterminant à gagner.

Redorer le blason de la bonne gouvernance et de la pratique parlementaire à travers les questions orales, écrites et ou sans débat, des enquêtes parlementaires, l’évaluation subséquente de l’action gouvernementale et l’initiation des propositions de lois adoptées ou pas après de vrais et constructifs débats. La liste n’est certes pas exhaustive, mais constitue une ébauche sur le boulevard qui devrait désormais se dresser devant les parlementaires de cette législature. 

Contrairement à un parlement monocolore que constituait la 8e législature, la présente connaît la présence des députés du parti les démocrates (LD), une formation politique de l’opposition au régime du Président Patrice Talon. Et comme pour annoncer les couleurs, ces derniers, lors de leur installation ce 12 février, ont fait leur coming-out avec une déclaration à la tribune de l’Assemblée nationale

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Si ces députés ont profité de la solennité de cette cérémonie pour se faire remarquer, il convient de faire remarquer qu’ils doivent éviter le piège de la précipitation et de l’agitation politique. “A vouloir tout faire et en même temps, on finit souvent par passer à côté de l’essentiel”, a commenté Jacques Nounagnon, politiste, se prononçant sur cette déclaration du président du groupe parlementaire les démocrates lors de l’installation de la 9e législature ce dimanche.

Les défis sont bien plus immenses et devraient interpeller les députés, qu’ils soient de la mouvance présidentielle ou de l’opposition. La 8e législature a certes battu le record en matière de vote de lois, mais certaines méritent plus d’attention de la part des députés de cette législature. 

Des lois controversées

Au cours de la 8e législature, les députés ont adopté la loi N°2017-05 du 29 août 2017 fixant les conditions et la procédure d’embauche, de placement de la main-d’œuvre et de la résiliation du contrat de travail en République du Bénin. Cette législation sur le travail rend ce dernier plus précaire et expose les jeunes surtout à un statut de chômeur “permanent”. Des acteurs politiques avaient soutenu que cette loi a été adoptée pour faute de contradiction au sein du parlement. 

Le peuple en général et la jeunesse béninoise en particulier entend une relecture de cette disposition pour plus de garantie professionnelle dans le pays. Albert Avognon, administrateur civil.

Sans nul doute, cette législature devrait également se pencher, sous l’impulsion des députés de l’opposition, sur la loi N°2018-34 du 5 octobre 2018 modifiant et complétant la loi N°2001-09 du 21 juin 2022 portant exercice du droit de grève en République du Bénin. Cette disposition qui limite considérablement le droit de grève dans le pays fait toujours couler beaucoup d’encre et de salive. Les travailleurs sont donc contraints de subir le traitement, peu importe son état, des employeurs puisque leur champ d’action en matière de manifestation de la colère est bien limité.

Le contrôle de l’action gouvernementale passe par une autorisation et une reddition de compte de l’exécutif qui devrait, suivant les normes démocratiques, passer par le parlement avant toute signature d’accord de prêt. Mais en l’état, le Chef de l’Etat dispose des “prérogatives” pour agir sans se référer au parlement composé des représentants du peuple. Il revient vers ce parlement uniquement pour un rapport de ces actions. 

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Le secteur agricole devrait également préoccuper les députés de cette législature. Les filières de noix de Karité, de Soja, d’anacarde font l’objet de grands échanges au sein de l’opinion publique. Les députés y sont attendus également pour un soulagement des acteurs du domaine.

De la liberté sans expression

Le 22 janvier 2015, l’Assemblée nationale, 7e législature, a adopté à l’unanimité la loi N°2015-07 du 20 mars 2015 portant code de l’information et de la communication en République du Bénin. Suite à cette adoption, la Cour Constitutionnelle, par décision DCC 15-062 du 12 mars 2015 a déclaré conforme cette loi. Et suivant la procédure, le Chef de l’Etat d’alors, Thomas Boni Yayi, l’a promulgué la rendant ainsi exécutoire. 

Ce code de l’information et de la communication dépénalise les peines privatives de liberté et octroie au journaliste béninois, plus de facilité dans l’exercice de son métier. 

Cette loi a le mérite de définir les règles qui régissent la libre expression dans le cadre des activités de l’information et de la communication ainsi que l’exercice desdites activités en République du Bénin. Une grande avancée en matière de liberté de presse et de la pratique du journalisme, soutiennent des acteurs de la corporation et des membres de la société civile. Mais si cette loi octroie autant d’avantages au journaliste, celle portant code du numérique vient mettre en mal l’exercice du métier dans le pays.

En 2018, trois ans après l’adoption du code de l’information et de la communication, les députés de la 8é législature ont adopté la loi N°2017-20 du 20 avril 2018 portant code du numérique en République du Bénin. En 2021, la même législature a adopté la loi N°2020-35 du 6 janvier 2021 modifiant la loi  N°2017-20 du 20 avril 2018 portant code du numérique en République du Bénin. 

L’avènement de la presse en ligne et l’activisme a certes ses avantages, mais également ses lots de désagréments. L’adoption d’une loi sur le numérique s’impose donc un impératif au regard des déviances souvent observées dans ce domaine surtout sur les réseaux sociaux. Le code du numérique est donc un outil pertinent et fiable permettant de lutter contre la cybercriminalité et le banditisme en ligne. Mais malheureusement, ce code s’avère être, dans sa mise en œuvre, un outil menaçant l’exercice du journalisme en République du Bénin. 

Des actions législatives et judiciaires qui ont déclassé le Bénin dans le rapport 2022 du Reporter sans frontière (RSF). Suivant cette institution qui évalue annuellement la liberté de la presse dans le monde, le Bénin occupe la 121e place en 2022 contre 114 en 2021 sur un total de 180 pays à travers le monde. En 2020, le Bénin est classé 113e. Mais bien avant l’arrivée au pouvoir des dirigeants actuels, le Bénin était 78e, 84e, 75e et 79e respectivement en 2016, 2015, 2014 et 2013 sous le régime Yayi.

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Face à cette dégringolade dans les classements respectifs, des associations de presse du pays, l’Union des professionnels des médias du Bénin (UPMB), le Conseil national du patronat de la presse et de l’audiovisuel du Bénin (CNPA-Bénin) et d’autres associations soeurs, ont entamé des démarches aux fins de la modification de ce code du numérique pour y garantir une totale liberté aux journalistes dans l’exercice de leur fonction. Si les démarches n’ont pas eu un écho favorable et conséquent auprès des députés de la 8e législature, ceux de la 9e sont vivement attendus sur ce terrain. Ceci permettra de repositionner le Bénin dans le top 5 des pays africains en matière de liberté de la presse et d’expression.

Le retour des débats parlementaires

La première grande différence qu’on pourra noter sous cette 9e législature sera les échanges et les débats parlementaires. Un aspect qui avait cruellement manqué à la précédente qualifiée de monocolore. 

L’opposition fait son coming-back au parlement avec les députés du parti politique Les Démocrates que dirige Eric Houndété. La déclaration de constitution de leur groupe parlementaire au sein de l’hémicycle a permis de projeter l’image que pourrait présenter ce parlement les 3 années à venir.  Nourénou Atchadé, président du groupe parlement Les démocrates entend redynamiser le débat et redorer le blason de l’hémicycle à travers des débats constructifs et bénéfiques à la nation béninoise. 

Le piège, c’est de soutenir qu’on pourrait miser toutes les cartes sur les députés du parti Les Démocrates. Dans un système démocratique, il sera souhaitable, tant pour les députés de la mouvance présidentielle que pour les opposants d’initier et de mener les débats au sein du parlement pour sa vitalité.

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