Bénin – De la rue à la toile, la nouvelle stratégie d’une prostitution 2.0

La génération actuelle s’adapte, tant bien que mal, aux exigences technologiques de l’heure. Les réseaux sociaux sont donc les moyens les plus efficaces pour non seulement faire passer rapidement un message, mais de développer toute forme de commerce ; la prostitution y compris.

« Je te présente mes prix pour éviter toute autre discussion parfois fâcheuse après. 1h = 5 000, 2h = 7 500 francs ; 3h = 10 000 francs ; la nuitée = 15 000 francs CFA. Je prends une avance de 2 000 francs pour garantir le programme. C’est ainsi que je fonctionne ». Ainsi se présente le tarif de prestation de Ruth, 26 ans, mère célibataire et travailleuse de sexe.

Tout comme Ruth, elles sont des milliers à avoir inondé la toile et à profiter de l’avancée technologique pour « moderniser » leur « profession ». Et cette nouvelle forme de prostitution virtuelle a occasionné le dépeuplement des lieux hots souvent connus dans la ville de Cotonou. Au quartier Vodjè, au carrefour Gbégamè et même au quartier Jonquet, lieu célèbre des travailleuses de sexe dans la ville de Cotonou, l’affluence est désormais moins. Les quelques rares retrouvées sont celles qui n’ont pas, en majorité, un téléphone Android pour mieux jouir des avantages technologiques.

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Leur stratégie consiste à infiltrer les différents groupes (peu importe l’objectif de ces groupes) ou à en créer pour mieux les gérer. Une fois dans les groupes, soutient Bernadette, une e-travailleuse de sexe, on scrute la liste des membres du groupe, on cible et on entame les échanges.

Les premiers échanges situent déjà sur la personnalité. Si elle est du genre à accepter un tel service ou pas. Si favorable, on évolue dans la discussion et on conclut l’affaire. S’il est d’une conviction contraire, on abandonne l’échange aux premiers mots. Bernadette, 35 ans et en couple libre avec Gabin, un libertin

En principe, affirme Bella Zèvounou, coach en cohésion familiale, un tel développement du commerce de sexe sur les réseaux sociaux ne devrait plus surprendre aujourd’hui. Pour elle, tout se déroule sur le net et la prostitution s’est également octroyée sa part. Le simple fait de se cacher derrière un numéro et derrière son écran de téléphone permet à ces personnes, femmes comme hommes de tout âge, d’asseoir leur « commerce de sexe » qui est quand même une atteinte aux principes culturels du Bénin.

Le sociologue Gilbert Ahissou, lui, évoque un désordre social et un drame culturel qu’il faut vite stopper. Même réaction chez le juriste Matrifou qui ajoute également que la pratique porte atteinte à l’ordre public à savoir la moralité publique et la dignité de la personne humaine.

L’ordre social et les us et coutumes africains sont mis à l’épreuve car il est de tradition chez nous, que dans une relation sentimentale entre deux personnes, ce sont les personnes de sexes masculins qui font les premiers pas et non l’inverse. Et le sexe revêt toujours un caractère sacré. Matrifou Gounou Yacoubou, juriste enseignant à l’Université du Bénin.

Mais au moment où certains s’offusquent de cette pratique, d’autres en régalent et ne s’en privent aucunement. Symphorien est fonctionnaire d’Etat. Marié et père de 4 enfants, il soutient que ces « travailleuses de sexe virtuelles » lui permettent de bénéficier des services d’une escorte girl à moindre coût. « Je me soulage, je m’évade et le stress est rangé de côté. Plus de bavardage, plus de protocole. Tout est si pratique et rapide », argumente-t-il.

Le législateur béninois a pourtant mis les barrières

Aujourd’hui au Bénin, la prostitution en ligne est en plein boom. Difficile de savoir qui est qui et qui veut vraiment faire quoi. Et en l’état actuel des choses, ce sont les femmes qui, via les réseaux sociaux harcèlent et proposent toutes sortes de clichés à des hommes qu’elles ne connaissent même pas parfois. Des actes et comportements qui font dire à Edwige Bodjrènou, religieuse, qu’il s’agit tout simplement d’une dévaluation accrue de la femme jadis considérée comme une minière d’or.

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Mais sur le plan juridique, les auteurs de ces actes encourent de lourdes peines au regard des dispositions législatives en vigueur en République du Bénin. Le code pénal béninois en ses articles 988-989 qualifient ces comportements de racolage et d’atteinte à l’hygiène ou de prostitution. Et l’article 988 et suivants, définissent les peines allant de six mois d’emprisonnement à 5 ans, d’une amende selon les faits et la confiscation même de certains objets à ce sujet.

C’est le code du numérique en République du Bénin qui réprime sévèrement un tel acte. L’article 524 de la loi N° 2017-20 du 20 avril 2018 portant code du numérique en République du Bénin stipule que « les agressions sexuelles autres que le viol sont punies de dix (10) ans d’emprisonnement et vingt-cinq millions (25 000 000) de francs CFA d’amende lorsque la victime a été mise en contact avec l’auteur des faits au moyen d’un ou sur un réseau de communication électronique ou un système informatique ».

Une disposition qui semble ne pas émousser les ardeurs des auteurs qui soutiennent être en phase avec les exigences de leur génération.

L’impuissance de la brigade des mœurs

Au-delà des textes déjà en vigueur, les dirigeants béninois, soucieux de la préservation des valeurs culturelles et cultuelles du pays, ont mis en place une brigade des mœurs. Animée par des agents hautement qualifiés et déterminés pour la cause, cette brigade lutte contre toute pratique qui vont à l’encontre des mœurs. Elle est donc « le gardien des mœurs » et est qualifiée pour réprimer les auteurs et actes de la prostitution virtuelle.

Mais si les attributs de cette brigade sont bien clairs, elle manque cruellement de moyens adéquats pour mener à bien sa mission. Et pour le commandant adjoint de cette brigade, le personnel, bien que qualifié, est bien impuissant face à l’avancée de cette forme de prostitution dans le pays.

Nous n’avons pas les moyens informatiques et électroniques adéquats. Nous nous rabattons parfois sur les opérateurs GSM et la collaboration avec l’ARCEP n’est pas aussi effective comme on l’aurait souhaité. Commandant Adjoint Agbodjan

La brigade reçoit rarement, suivant les propos du commandant adjoint, des plaintes des personnes harcelées par moyens électroniques. Mais, assure-t-il, les rares cas qui sont signalés connaissent la procédure normale jusqu’à la présentation des présumés auteurs devant le procureur.

Ce faible engouement des dénonciations suppose donc une acceptation collective et encourage la pratique qui connaît, malgré tout, un essor phénoménal. C’est pour cela que le juriste Matrifou souhaite une coopération étroite entre les populations et les autorités judiciaires pour que les auteurs de ces actes soient punis avec la dernière rigueur.

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Bella Zèvounou, elle, préconise une éducation familiale dès le bas-âge avec un échange franc et sans tabou sur la sexualité dans le foyer avec les enfants. Cela pourrait donc éviter de telles dérives dans le futur.

1 Commentaire
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